Nous sommes allés passer quelques jours a Conakry. Au départ, on voulait aller dans un coin entre Kamsar et Conakry. Un québécois qui travaille avec Jean le lui a décrit comme étant un très beau site sur le bord de mer avec un hôtel correct. Nous décidons d'aller y passer quelques jours …
Après des mois passés a Kamsar, isolés du reste du monde dans tous les sens du terme - "mais non, mais non", me laisse entendre une petite voix surgie du lobe "optimisme" de mon cerveau, "vous avez CNN pour les nouvelles. Et tous ces expatriés et guinéens qui vous entourent : une vraie bibliothèque vivante de connaissances ! Vous étés vraiment bénis par les Dieux !" D'accord, d'accord, nous ne sommes pas si isolés que ça …-, nous sommes presque euphoriques a l'idée d'un changement de décor. Nous faisons nos bagages dans une allégresse que seuls les détenus en liberté surveillée pourraient comprendre. Nous quittons Kamsar munis d'un ordre de mission de la CBG (boîte pour laquelle Jean travaille) et débordants d'un enthousiasme qui nous a fait défaut des mois durant. L'ordre de mission va nous servir (du moins on l'espère !) a ne pas nous faire embeter lorsqu'on se fera arrêter a la panoplie de barrages installés sur toute la Guinée : police, armée, douane, etc …
Nous nous rendons a l'endroit indiqué, . Nous cherchons, cherchons … vainement. Nous décidons de continuer sur Conakry. Nous étions partis pour quelques jours de vacances ; nous n'allions quand même pas faire demi-tour juste parce que l'endroit de nos vacances avait disparu !!! Nous arrivons a Conakry a 8 heures du soir. Cela nous a pris 5 heures pour faire les 250 km (bitumés avec de superbes trous comme décoration!) qui séparent Kamsar et Conakry. Que dire des routes de brousse ? Ne nous laissons pas décourager par l'état des routes. Nous sommes en vacances ! Alléluia …Arrivés a Conakry, exténués par la route et rouges de poussière (ici, la poussière est rougeâtre) nous cherchons un hôtel. Quelqu'un nous avait parlé de l'hôtel Camayenne. Nous nous y rendons après moults détours qui nous font découvrir quelques quartiers de Conakry. Les mots me restent a la gorge … Mon optimisme arrive même a me persuader que ce sont ma fatigue et le manque de lumière qui me font entrevoir cette vision cauchemardesque de la capitale. Ce sera mieux demain, c'est sur … A l'hôtel, on nous propose une chambre a 140 $US, sans petit déjeuner ! Serions nous sujets a l'Alzheimer ? Aurions-nous oublié que nous étions en plein cour de Paris ? Nous allons voir le Novotel : 100 $US. Nous n'allons tout de même pas faire tous les hôtels de Conakry ! Nous prenons la chambre. Après tout et chose très appréciable en Guinée, l'hôtel a l'électricité (il a un groupe électrogène) nous dit-on, ainsi que de l'eau courante en tout temps, une piscine, de bons restaurants, etc. … L'hôtel dénote tellement avec la ville que nous avons aperçue ! On respire de l'air sans poussière et nous sommes enfin dans un standard de confort appréciable. En fait, nous sommes dans un tout autre décor. Nous prenons la chambre.
Le lendemain, on décide d'aller se promener dans Conakry. On cherche une carte de Conakry dans la boutique de l'hôtel. On nous propose la seule existante pour 20 $. Est-ce un pays qui veut promouvoir son tourisme ? Remarque qu'avec les tarifs de l'hôtel, nous ne devrions même pas être surpris. Nous le sommes quand même ... On décide d'aller se promener au "feeling". Le parking de l'hôtel est surveillé, pourtant, notre roue est a plat. Au fait, tous les recoins de l'hôtel sont extrêmement surveillés. On se croirait dans une ambassade américaine. Il paraît qu'il y a beaucoup de vols. A chaque étage et un peu partout dans l'hôtel, des vigiles consignent par écrit les faits et gestes de tout un chacun. Entraînés par la CIA ?? …
Nous cherchons une station d'essence pour arranger le pneu. La crevaison est due a un clou qui est enfoncé tout droit dans le pneu. Bizarre … Ne ne décourageons pas pour si peu, … nous sommes en vacances !!!
Sur la route, un flic nous arrête juste pour nous demander de lui payer son café ! En fait, dans toute la Guinée, les barrages sont omni présents et on arrête les blancs pour leur soutirer quelques francs : "patron, il faut nous aider" qu'ils disent tous. Y a-t-il écrit "banque de dons" sur nos fronts ? A la longue, cela finit par nous taper sur le système nerveux, déjà plein de poussière rouge. Nous avons été avertis des notre arrivée de ne rien leur donner et on essaie tant bien que mal a souscrire a cette consigne. Eux sont très insistants et nous avons un peu de difficulté a dire non. Deux attitudes qui ne font pas très bon ménage …
Notre roue réparée, nous partons a la découverte de la capitale. Nous sillonnons les rues pensant découvrir une ville plus ou moins propre, organisée, structurée, urbanisée, … C'est quand même la capitale, que diable ! Le centre ville est assez correct dans l'ensemble. Assez sale certes, mais comparé a ce qu'on va découvrir plus tard, c'est le grand luxe. Tous les ministères (un peu vieillots), les banques (quelques beaux immeubles récemment construits), … sont la. Quelques bons restaurants aussi nous dit-on.
En dehors du centre ville, ce qui s'offre a nos yeux au fur et a mesure que nous avançons est très loin de nos attentes. Tout le long de la plupart des rues, des baraques en tôle noire, des déchets disséminés un peu partout, des gens qui vendent n'importe quoi n'importe ou. Et toujours cette impression de grande saleté. Il y a bien sur quelques maisons décentes, mais toujours entourées par ces baraques en tôles, très sales. La saleté est d'autant plus frappante que cela fait 6 mois qu'il n'y a pas eu une goutte de pluie qui ferait le plus grand bien a toute cette poussière. Vivement la pluie ! Les rues sont néanmoins bitumées et il n'y a presque pas de trous, alléluia ! Malgré cela, on respire la poussière a grands poumons.
A part ces "vendeurs" tout le long des routes, il y a des marchés plus ou moins organisés un peu partout, même sur la voie ferrée ! Des trains passent-ils ? Peut-être que non ! On ne saurait le dire. Sur ces marchés, on vend un peu de tout : fruits et légumes, vêtements, électroménagers, produits en tous genres, … J'y vois un tas de choses que nous n'avons pas a Kamsar et que j'aimerais acheter. Des poivrons par exemple ! Le goût de la salade méchoui me vient même aux lèvres. Impossible de trouver un endroit ou nous garer. Par ailleurs, nous avions peur de laisser la voiture sans surveillance, ne serait-ce que quelques minutes. Nous ferons nos courses sur le chemin du retour vers Kamsar …
Après un déjeuner dans un restaurant libanais et une petite sieste a l'hôtel (la couleur de l'eau de la piscine ne nous inspire pas confiance pour faire une petite baignade) nous repartons en vadrouille dans la ville. Vers 18 heures, nous passons devant un marché a fruits et légumes. Comme il n'était pas très achalandé (ils commençaient a emballer leurs choses), nous décidons de faire quelques achats. Jean reste dans la voiture pendant que je vais dénicher les "bonnes affaires". Des que je descends de la voiture, je suis assaillie par un groupe de jeunes qui ne veulent que mon bien : choisir les produits, négocier les prix avec les vendeurs, porter mes choses etc. … Je suis dans un tel brouhaha entre les cris de chacun que je ne comprends plus rien a rien. Chacun veut que ce soit lui que je choisisse pour faire mes achats. Je me suis toujours demandée comment les stars vivaient leur notoriété ? Maintenant, je le sais. Il ne manquait que la signature des autographes !!
Tant bien que mal, j'arrive a me rendre jusqu'a un marchand qui a a peu près tous les produits que je désire acheter. Je décide de faire tous mes achats chez lui, m'évitant ainsi de déambuler dans tout le marché et de me faire arrêter a tous les mètres.. Les négociations commencent … Des que je touche a un légume pour voir de quoi il a l'air, a la vitesse de la lumière, il y en a 2 ou 3 kilos dans mon couffin. Ici, les mots comme "combien ça coûte ?" ou "c'est quoi ce fruit ?" ne veulent dire qu'une chose pour eux : "j'achète" et ils s'empressent de nous les mettre dans nos paniers ! Je passe le plus clair du temps a enlever des produits dont je n'ai aucun besoin de mon panier. Si je demande au marchand un produit qu'il ne possède pas, mon escorte de jeunes s'empresse d'aller me le chercher ailleurs. Ils ne reviennent bien sur pas juste avec le produit demandé, mais avec plein d'autres choses susceptibles de m'intéresser. C'est fou comme ils arrivent a devancer mes désirs !!!! Je me dis que c'est une bonne manière de se débarrasser d'eux quelques instants, le temps de pouvoir "magasiner" a mon aise. C'était sans compter sur leurs jambes de gazelles ! En moins de deux, ils me brandissent au visage toutes leurs découvertes. A la fin de cette expérience, je suis tellement mêlée que je me suis retrouvée avec deux gros paniers pleins de choses que je n'avais même pas demandées. En gros, j'avais 30 mangues, 15 gros avocats, 10 papayes, des kilos de poivrons, d'échalotes, d'aubergines, … Quelqu'un veut une compote de papayes ? ou peut-être de mangues ? c'est bourré de provitamine A !!!
Nous retournons a l'hôtel qui ne se trouve pas loin du palais présidentiel. Pour cette raison, a partir de 18 heures, beaucoup de rues avoisinantes sont barrées. Nous passons dans une rue ou on ne doit plus circuler a partir de 18 heures (il était presque 19 heures). Un énergumène habillé comme les gens de l'armée nous arrête pour nous dire que nous avions enfreint la loi et demande a Jean de se garer sur le bord de la route. Jean lui dit "non" et continue son chemin. Je n'ose même pas me retourner pour voir la tête du type. Et s'il nous tirait dessus ? Il a certainement noté le numéro de notre voiture ! Nous voila transformés en hors la loi ! Nous retournons a l'hôtel ou je passe ma nuit a cauchemarder sur notre arrestation par la police guinéenne. Je nous voyais déjà en prison a manger … des mangues !
Le lendemain, nous quittons Conakry avec plaisir, non sans avoir acheté quelques 15 baguettes d'une boulangerie libanaise. Du bon pain a Kamsar ? Il est permit de rêver … Cela m'a quand même permit d'apprendre a faire du bon pain, fait maison !
J'appréhende le 1er barrage qu'on allait rencontrer, sure que se serait le lieu de notre arrestation. Des blancs ont été mis en prison pour moins que ça pensais-je. Mais après tout, nous avions de quoi tenir quelques jours en prison avec nos baguettes, mangues, avocats, … le temps que l'ambassade du Canada vienne a notre secours. Au 1er barrage (militaire), l'agent nous demande notre ordre de mission. Mon cour bat la chamade. Nous allons être arrêtés, c'est sur … Mais non, l'agent nous rend le papier et nous laisse partir. Ouf ! Tous les autres barrages, jusqu'a Kamsar, au moins une dizaine, ne nous posent aucun souci. A notre grand étonnement, nous n'avons été arrêtés a aucun des barrages. Ils arrêtaient les guinéens, mais pas nous. Les barrages sont en fait une corde, rattachée a deux piquets, qui barre la route. Il faut donc s'arrêter quelques instants le temps que la police ou l'armée baisse la corde.
Encore quelques heures de route et nous serons enfin a la maison ou un repos bien mérité nous attend … peut-être !