-Soundiata ou le mariage de l'histoire et de l'épopee
-Comment profiter de la liberté sexuelle a tout âge
-Un lieu mystique de Conakry la grotte de Kakimbo
-Le cultivateur, le lièvre et la hyène
-La belle jeune fille et l'homme-lion
-Gueladyo et Samba Nyesi Nyesi
-Histoire Hammadam-au-teint-clair et Hammadi-le-noir
-Gueladyo, Samba Nyesi Nyesi et NGaari Bambara
-Où le lapin trompe l'éléphant et l'hippopotame
-L'hirondelle (bilibile) et la hyène (fowru)
La panthère rouge. Jusque dans les années 1930, courait a Conakry la légende de la panthère rouge. Un carnassier redoutable appelé Barté-Gbéli, en soussou, un nom que l'on chuchotait avec frayeur dans l'île Tombo d'autrefois. On raconte que ce fauve était particulièrement friand de chair humaine, surtout celle des jeunes filles pubères. Aussi, les exploits de l'animal étaient-ils souvent évoqués pour stimuler le courage des jeunes filles pendant les cérémonies d'initiation. La légende veut aussi que ce félin fut un diable anthropophage métamorphosé. On raconte que la panthère fut abattue par des milices du fort de Boulbinet. On raconte aussi que c'est pour cimmémorer le vilain souvenir de Barté-Gbéli que les autorités coloniales firent ériger, en 1905, a l'entrée du grand jardin public de Boulbinet, la statue en bronze d'une panthère plaquant un caïman au sol.
Les fromagers Les fromagers-les Anciens racontent qu'ils auraient été plantés sur des sépultures abritent des génies protecteurs et ont été des sanctuaires d'idolâtrie. Ils ont pu également servir d'amers pour les navigateurs. Selon é.Tompapa, jusqu'en 1890, des rites de magie, de possession, d'anthropophagie, de catalepsie étaient pratiqués dans plusieurs sanctuaires, sur l'île de Conakry, dont la grotte de Kakilambé (emplacement actuel du château d'eau) et le sanctuaire de Boulbinet (actuel Office de la Radiotélévision guinéenne). Suivant les traditions, les fromagers sont encore considérés comme des êtres vivants, muets et sacrés que nul ne peut impunément se permettre d'abattre. Ainsi, la construction du Palais du Peuple posa de tels problèmes qu'il fallut en arreter les travaux et faire appel a des "mages sacralisations de Sobané", sur les conseils des vieux Bagas du Kaloum. Après trois jours et trois nuits d'incantation autour des fromagers proches du site, les travaux furent repris, après avoir été exorcisés. De 1941 a 1943, des avions de la Royal Air Force, agissant pour le compte des Forces Françaises Libres du général de Gaulle, et basés en Sierra Leone, survolèrent fréquemment Conakry, la nuit, en vue de la bombarder (le gouvernement local était vichyste réfractaire). Mais la ville resta introuvable, selon les plus vieux Conakrikas, qui invoquèrent la protection des génies habitant les contreforts des grands fromagers.
La Charte de Kouroukanfouga Au cours d’un atelier de traditionalistes mandingues réunis par la radio rurale de Kankan, en mars 1998, furent rappelés les 44 articles qui composaient la constitution mandingue de l’empire de Mali, établie a Kangaba en 1236. Rien ne peut faire mieux revivre cette époque lointaine, qui apparaît pourtant par certains aspects singulièrement actuel et dont les préceptes seraient dignes, comme il le fut souhaité par les membres de ce colloque, d’être enseignés dans les écoles de Guinée... et d’ailleurs. En voici quelques-uns: les nyamakala (griots, maîtres de la parole) doivent la vérité aux chefs et défendre par le verbe les règles établies; les garçons et filles nés dans la même période de 3 ans appartiennent a la même classe d’âge; les kangbé (classe entre jeunes et vieux) doivent participer aux grandes décisions; chacun a droit a la vie et a la présentation de son intégrité physique; toute tentative d’ôter la vie a son prochain est punie de mort; est institué le cousinage a plaisanterie qui permet de placer les différents entre groupes sur un mode de taquinerie pour les empêcher de dégénérer; l’éducation des enfants appartient a tous: adressons-nous mutuellement des condoléances; si votre femme ou votre enfant fuit, ne le poursuivez pas chez le voisin; n’offensez jamais les femmes, nos mères; les femmes, en plus de leurs occupations quotidiennes doivent être associées a tous nos gouvernements; respect et considération pour la parole donnée; ne maltraitez pas les esclaves donnez-leur un jour de repos par semaine, avec cessation du travail a des heures raisonnables; ne poursuivez pas les épouses du chef, du féticheur, du marabout, de l’ami, de l’associé; la vanité est signe de faiblesse et l’humilité de grandeur; ne faites pas tord aux étrangers; la dot est fixée a trois bovins, un pour la fiancée les deux autres pour son père et sa mère, venons en aide a ceux qui en ont besoin; tout objet trouvé appartient a celui qui l’a trouvé au bout de 4 ans; la quatrième mise bas d’une génisse appartient au gardien; un oeuf sur quatre est la propriété du gardien; assouvir sa faim n’est pas un vol si on n’emporte rien; le chef des chasseurs est chargé de préserver la brousse et ses habitants avant de mettre le feu, levez la tête en direction des cimes des arbres pour voir d’ou vient le vent); respectez la parenté, le mariage, le voisinage; tuez votre ennemi, ne l’humiliez pas; dans une assemblée tolérez-vous; Balla Fasseké, le grand maître des cérémonies est le médiateur principal; il est autorisé a plaisanter avec toutes les tribus et avec la famille royale; tous ceux qui enfreindront ces règles seront punis et chacun est chargé de veiller a leur application…
Soundiata ou le mariage de l'histoire et de l'épopée Soundiata, le fondateur bien réel de l’empire du Mali, est aussi le héros d’une épopée qui n’a jamais cessé d’être chantée a travers les siècles, épopée qui mêle la magie a tous les détails de sa vie. Il est le fils de Farako Maghan Kégni ou Maghan le Beau, roi de Niani, et d’une femme extraordinaire Sogolon Condé, double d’une magicienne, Do Camissa qui se transforme en buffle a chaque accès de mauvaise humeur et détruit tout sur son passage. Dô Camissa permet au chasseur lancé aux trousses du buffle de le et donc de la tuer a condition qu’il choisisse comme épouse, en récompense de son exploit, la fille la plus laide de l’assemblée, Sogolon la boiteuse qui aura avec celui qui réussira a la posséder un enfant promis a un avenir immense. Mais le chasseur, précisément, n’y arrive pas! Il se rend avec elle a Niani ou il prédit au roi, qui désire évidemment un fils magnifique, que Sogolon, s’il la choisit comme seconde épouse, lui donnera un héritier qui «étendra jusqu’a l’eau salée le royaume légué par les ancêtres et rendra le nom du Manden immortel a jamais». Maghan finit, non sans menace, par posséder Sogolon qui accouche d’un fils infirme! A la mort de son père, il doit fuir la vengeance de la première épouse, sa belle-mère, et subir une longue errance, jusqu’au jour ou miraculeusement son dos se redresse. Des lors sa situation se renverse: après avoir réussi a vaincre Soumaoro le roi magicien dont il a pu dérober le secret, il deviendra le chef d’un empire qui, un jour, atteindra l’Océan!
Comment profiter de la liberté sexuelle a tout âge Une inhabituelle liberté, chez les Coniagui, était autrefois rarement récupérée par des anciens: les jeunes gens deux sexes, apres I'initiation, ne connaissaient nulle restriction a leurs pulsions, bien au contraire, puisqu'une fille ne se mariait pas avant d'avoir eu un enfant. Mais, avant de convoler, elle était tenue de comparaître devant ce conseil et d'avouer combien d'amants elle avait eus et chacun d'eux devait donner un poulet a ces barbons qui compensaient ainsi par la gourmandise ce qu’ils ne pouvaient plus avoir par le sexe. Mais chez les Bassari, pourtant proches parents des Coniagui, les vieux avaient trouvé un autre moyen plus pervers de tourmenter la jeunesse. Dans les villages de fêtes, ne vivaient, en dehors des fêtés, d'ou le nom, que les jeunes gens non encore mariés et qui devaient chaque soir, pendant que le reste de la population habitait dans des cases construites au milieu des champs, venir coucher sous le même toile... mais avec l'interdiction absolue d'avoir tout rapport sexuel. était-ce un simple exercice d'endurance et de volonté... ou un mesquin bizutage? Et pourtant, comme chez les Coniagui les jeunes filles devaient avoir fait preuve de leur fécondité avant le mariage. Comment diable devaient-elles s'y prendre? Et ce n'était pas leur costume de danse, compose d'un pagne en perles terminé par une frange de clochettes, et de nombreux bracelets de métal qui pouvaient, dehors, leur permettre de rester discrètes!
Un lieu mystique de Conakry la grotte de Kakimbo Selon le rapport du 26 juin 1899, du service des Travaux publics de Conakry : « C’est en 1893, au moment du tracé de la route de Dubréka, qu’il fut question pour la première fois de la grotte de Kakimbo. Très connue des indigènes, elle était absolument ignorée de l’administration et des Européens et ce fut M. Mouth Laurent conducteur des Travaux publics. (…) qui trouva la grotte en cherchant un tracé pour éviter les difficultés du passage de la rivière Kakimbo, très encaissée sur tout son parcours. Deux mois plus tard, une fouille très superficielle faite par M. Mouth fit constater une épaisse couche de toutes sortes : poteries, coquilles d’huîtres, cendre… prouvant que l’on se trouvait en présence d’un abri ayant servi aux habitants de cette région a une époque très éloignée. Ce ne fut que tout récemment, en avril que M. Mouth fit faire un trou de 0,80 de diamètre sur un mettre environ de profondeur. Des poteries des outils ou armes en pierre ferrugineuse et des silex en grand nombre furent trouvés… On procéda ensuite au déblai de l’ensemble sur toute la profondeur et l’on combat sur le véritable atelier : haches en grés poli, pointes de flèches et de javelots pierres de frondes, percuteurs grattoirs, racloirs, couteaux et haches, cristal de roche taillé… ». Ainsi plus de 300 pièces furent trouvées… Psychose d'hier Nous savons par M. Mouth qu’en 1893 les indigènes ne s’approchaient de la grotte qu’avec frayeur, et qu’il ne peut lui-même y accéder a cette époque, qu’accompagne d’étrangers au pays. Le Kakimbo (c’est ainsi que les Bagas appellent la grotte ou le « rocher ») était de mémoire d’homme considéré comme une divinité très redoutée. Au chef de village de Koloma, les Bagas n’avaient jadis pas de roi, et seul le Kakimbo était l’arbitre que tous consultaient et dont on suivait les ordres avec terreur. Souvenirs d'aujourd'hui Ne va pas qui veut a la grotte de Kakimbo : ce ne serait d’ailleurs pas sans danger. La ville même semble l’avoir prudemment contournée… Emile Tompapa se souvient : « J’ai vu mon père – c’était en 1936 – et ses congénères Bagas, plonger torse nu dans le lac et disparaître pendant plus d’une heure… Les croyant morts ou dévorés par un esprit malfaisant, je me mis a pleurer. Avant de voir mon père refaire surface, avec une chevelure abondante et finement tressée, comme celles des femmes, et le buste serti de ceintures ornées de cauris se croisant sur la poitrine… Cette cérémonies se répétait tous les trois ou sept ans… En juin 1940, le gouverneur de la Guinée organisa lui-même une très grande cérémonie, avec le concours des commerçants de Conakry, alors que les troupes allemandes envahissaient la France. Une foule de Bagas, venant de Ratoma, Kipé, Kaporo, Camayenne, Lambayi… participa a la fête qui dura trois jours et trois nuits au cours de laquelle des petits animaux furent sacrifiés. » Les pierres taillées de Kakimbo M. L’abbé Breuil décrivit les pierres taillées trouvées a Kakimbo : « La pierre qui a surtout été employée est une hématite brune très silencieuse. Les éclats ont été obtenus par des coups donnés aux parois de la grotte, sur les parties ou la roche plus dure formait des rognons ferrugineux. Les éclats ont été retaillés en grattoirs ; racloirs pointes de javelots ou façonnés en forme de couteaux. Il y a des haches taillées et polies en hématite, en roches schisteuses et en limonite, des percuteurs ainsi que des polissoirs et des gros broyeurs. La forme serait absolument solutréenne. » La peur des ténèbres « Quoi qu’il en soit, on ne s’aventure qu’en tremblant près des cavernes ou grottes pendant la nuit et jamais un étranger ne le fera, a moins d’être accompagné par un homme du pays affilié aux sociétés secrètes. Je devais passer devant la caverne de Ratouma. IL faisait nuit noire. Le milicien qui m’accompagnait et qui cependant vivait depuis longtemps a Conakry ne voulut pas avancer sans être escorté d’un homme du village. En passant devant l’entrée de l’excavation mon guide donna a cet homme la moitié d’une noix de cola et une prise de tabac que celui-ci déposa prestement sur une pierre et tous détalèrent sans regarder nom qui est donné indistinctement a la grotte, a la colline ou elle se trouve et a la petite rivière qui descend pittoresquement vers la mer ».
Le cultivateur, le lièvre et la hyène Un cultivateur avait un champ de haricots. Le lièvre y va un jour ; il y trouve un enfant qui surveillait le champ et lui dit :- Petit, ton père a dit que tu m'attaches dans le champ de haricots. Si j'ai soif tu me laisseras boire.
Trois jours plus tard, le lièvre revient dans le champ. Le petit saisit le lièvre, l'attache sur un arbre. Quand son père vient, le petit lui demande si c'est vraiment lui qui a dit au lièvre de venir dans son champ et de croquer les haricots. Le père dit que non ; il rapporte le lièvre au village et l'attache sur un manguier.
L'hyène vient demander au lièvre :- Que fais-tu là ?
Le lièvre répond :- On m'apporte des plats de riz et de viande.
L'hyène détache le lièvre, qui l'attache à sa place. Le cultivateur chauffe un feu, et brûle l'hyène, que le lièvre appelle sumadidi : celle qui a été brûlée. L'hyène coupe les cordes, part rejoindre le lièvre et lui dit :- Tu m'as trompé cette fois-ci, mais la prochaine fois ce sera moi qui te tromperai ».
Dyidhangel et Ganyangel Un cultivateur est parti seul dans la brousse. Il s'est fait un champ près de l'habitation d'un dyina. Cet homme avait deux filles ; il aimait l'une Dyidhangel, il n'aimait pas l'autre : Ganyangel. Il avait des chiens ; le plus grand s'appelait : Dua, les autres Lemma, Lemu-lemu, Tura-tura, Mareti-mara, Konderel, Dua-mani, Dumbu-manka. Il a dit à la fille qu'il aimait :- Dyidhangel, je m'en vais au champ.
Les chiens étaient dans une case dont il a fermé le battant de la porte, et il a dit à Dyidhangel :- Il ne faut pas laisser les chiens sortir tant que je ne suis pas revenu.
Puis il part aux champs, et il trouve une réunion de tous les dyina, qui veulent l'emmener dans une caverne pour le tuer.
Certain que s'il arrive à la caverne, les dyina le tueront, il commence à appeler ses chiens. Il chante à haute voix leurs noms :- Dua, lemu-lemu, tura-tura, mareti-mara, kondorel, dua-mani, dumbu-manka, ai, ai, ai. (viens; viens, viens) ».
Kondorel, le petit chien, a entendu son maître l'appeler, il a dit au grand chien :- Eh Dua ! écoute appeler notre maître.
Tous les chiens ont crié que le petit chien a menti, ils se sont mis à le secouer :- Tu es un menteur.
Alors le petit chien a dit :-Vous dites que je mens mais écoutez quand même.
Tous les chiens ont écouté, le patron a encore, appelé :- Dua, lemu-lemu, tura-tura, mareti-mara, kondorel dua-mani, dumbu-manka, ai, ai, ai !
Tous les chiens ont entendu la voix de leur patron et tous se sont mis à crier. Alors Ganyangel a dit :- Je vais ouvrir, pour que les chiens puissent répondre à leur maître ». Mais Dyidhangel a dit :- Ganyangel, il ne faut pas lâcher les chiens.
Leur père a encore appelé les chiens. Ganyangel a pris un coeur sévère, elle est allée prendre les clefs, a ouvert la case : les chiens sont sortis, et ont couru rejoindre leur maître que les dyina veulent tuer à la porte de leur caverne. Les chiens arrivent, les dyina prennent la fuite.- Qui, demande l'homme, vous a laissé sortir ?
Les chiens disent- C'est Ganyangel qui nous a laissés sortir.
Puis l'homme rentre.
Sur le chemin il rencontre une biche, avec les chiens il la tue, les chiens la dévorent, il en prend le cœur qu'il perce et met au bout d'un bâton.
Il rencontre ensuite un python, les chiens l'attrapent, il le déchire, le fend et prend son coeur qu'il enfile sur un autre petit bâton. Il continue et rencontre un gros gibier, un buffle. Il le tue péniblement, le dépouille, coupe deux morceaux de viande et les pique sur deux bâtons. Il revient au village et dit :- Alors Dyidhangel - il prend d'abord l'air méchant - qui a laissé sortir les chiens ?
Dyidhangel dit :- Ce n'est pas moi, c'est Ganyangel et je lui avais dit de ne pas le faire.
Il les appelle toutes les deux. Il prend son rasoir et dit à Dyidhangel de se mouiller la tête la première, il lui rase toute sa chevelure et lui dit :- Assieds-toi au soleil.
Il appelle Ganyangel. Ganyangel mouille sa tête, il la rase et lui dit :-Va t'asseoir à l'ombre.
Il grille la viande et leur demande- Reconnaissez-vous cette viande. Il y en a une bonne et une mauvaise. Celle-ci est la viande du serpent , celle-là la viande de bons animaux.
Il appelle Dyidhangel, prend son sabre et lui dit :- Mange la viande du serpent.
Dyidhangel veut refuser, il lui dit :- Eh bien, tu vas mourir aujourd'hui. S'il n'y avait que toi, le dyina m'aurait tué.
Il prend son sabre et coupe la tête de Dyidhangel.
Alors Ganyangel mange la viande du bon gibier. Son père lui demande si elle est rassasiée, puis lui dit :- Bon, maintenant, nous allons rester ensemble. Tu es une bonne enfant, tu m'as sauvé. Va cuire un repas pour nous deux, maintenant, toi, je t'aiderai jusqu'à ma mort.
La marâtre et l'orpheline Un homme avait deux épouses, qui avaient chacune une fille que sa mère élevait. L'une des femmes était fille de chef de canton, ce qui les remplissait d'orgueil, elle et sa fille, qui étaient riches à cause de leur père et grand-père. La fille détestait sa demi-sœur, la femme sa co-épouse ; le mari n'y pouvait rien.
La plus pauvre des deux femmes est morte la première. Sa fille, se sachant détestée, a voulu s'enfuir son père l'a retenu en lui donnant de bons conseils. Elle est restée, mais sa camarade et sa belle-mère l'ont beaucoup fait souffrir. Un jour, à minuit, pour montrer que c'est elle qui commande, sa marâtre l'envoie chercher de l'eau dans une mare. Or, dans cette mare, qui ne s'était pas séchée depuis cent ans, personne n'osait tenter d'aller. La fille refuse d'abord mais, après cent coups de bâton, elle est obligée de partir, à l'insu de son père qui était en voyage. Résignée, certaine de sa mort, elle n'y pensait même pas, et préférait la mort à de pareilles souffrances. Comme elle approchait de la mare, le maître de la mare, se sentant pour la première fois menacé, cria, et tout le village l'entendit. Sans peur, à haute voix, la fille disait :- Je préfère mourir plutôt que de supporter de pareilles souffrances ; dyina, je te prie de ne pas avoir pitié de moi ; je suis orpheline, on m'oblige à venir chez toi, alors que de vaillants personnages ne l'ont pas osé.
La fureur du dyina diminue : il s'attendait à des questions et à dés réponses.- Pourquoi, dit-il, es-tu venue chez moi ? Ne sais-tu pas que même le plus grand des dyina n'ose pas venir ici ? »
La fille répond :- Je sais tout cela, aussi bien que je connais les plis de la paume de ma main. Orpheline, on m'a obligée à venir chez le dyina, j'aime mieux mourir que retourner chez ma méchante marâtre
Le dyina ne dit plus rien. Quand il parle avec la fille, son reflet monte jusqu'au ciel, et la forêt est toute entière éclairée comme en plein jour. La fille voit cette grande lueur s'éteindre peu à peu, la forêt redevient noire, et elle ne voit plus rien. Elle va prendre de l'eau à la mare et y trouve le dyina. Celui-ci, pour éprouver la fille, lui demande de frotter son dos - il était en train de se laver - qui était couvert d'aiguilles, de flèches, de toutes sortes d'objets pointus en fer. La fille, sans hésiter commence à frotter le dos du dyina, qui lui blesse les mains, mais elle ne s'arrête pas, malgré que les blessures et la douleur augmentent. Le dyina lui demande si cela ne lui fait pas mal. La fille répond :- Si, mais j'ai, toujours été obligée par ma marâtre à faire des choses insupportables : voilà pourquoi je ne sens pas la douleur.
Le dyina lui dit de cesser et de puiser de l'eau ; il l'aide à charger sa calebasse et lui dit de retourner chez elle en lui recommandant :- Demain tu trouveras devant ta porte une grande calebasse. A ton père qui sera de retour cette nuit tu diras de l'ouvrir. Je te donne ce qu'elle contient.
La fille rentre ; mais le dyina avait prévu que sa méchante marâtre allait refuser l'eau, disant qu'elle n'est pas allée à la mare : sa marâtre ne peut imaginer qu'on puisse aller à la mare et revenir vivant. Aussi le dyina a-t-il changé l'eau, parce qu'on disait souvent que l'eau de cette mare n'était pas semblable à celle des autres. Dès que la jeune fille a déposé sa charge, sa belle-mère est venue en l'injuriant et l'a frappée ; elle a voulu jeter l'eau, mais elle a oonstaté, à son étonnement, que cette eau venait vraiment de la fameuse mare,: on lui avait toujours parlé de sa couleur. Elle demande une explication à la fille qui répond simplement :- C'est un don de Dieu, c'est la destinée.
De ce moment-là, la femme commence à constater que la fille changeait : elle devenait belle, son allure était différente.
Le lendemain matin, la fille a vu la calebasse devant sa porte, et a appelé son père. Sans même lui raconter ce que sa marâtre lui a dit la veille, elle lui dit d'ouvrir la calebasse. Le père prend un couteau, perce la calebasse qui était entière, et celle-ci s'ouvre immédiatement : elle était pleine, à la joie de la fille et à l'étonnement de toute la famille, d'or, d'argent, et de diamants, de perles et toutes sortes de parures. La fille s'écrie - Dieu est juste
Voyant cela, le soir même, la marâtre envoie sa propre fille à la mare, avant le crépuscule. Celle-ci, arrivée à la mare, trouve le dyina qui l'attendait et lui dit, en peu de mots, de lui trotter le dos. Elle le fait une fois : ses deux mains sont blessées. La fille, que le dyina n'avait effrayée ni par son cri. ni par sa grande lumière, refuse de frotter une seconde fois. Le dyina ne dit rien, il l'aide à charger sa calebasse, en lui recommandant :- Demain tu trouveras devant ta porte une grande calebasse. Je te donne ce qu'elle contient.
La fille rentre fière et contente. Le lendemain matin, sa mère étant allée chercher du bois, elle est si pressée d'avoir or et argent qu'elle ouvre la calebasse de très bonne heure, avant le réveil du village ; elle avait gardé un couteau depuis le soir. Elle coupe elle-même la calebasse. Il en sort des cynhyènes, des hyènes et des lions, qui se précipitent sur elle et la dévorent, sans que personne ne les voit. Ils ne laissent que sa tête et les deux. poignets, et pas la moindre trace de sang. Un vautour était sorti de la calebasse au milieu de ces fauves il prend la tête et les poignets et va se percher sur un grand arbre.
Vers huit heures, la mère se demande où est sa fille. Le père dit :- Comme sa case est fermée, elle dort peut-être encore.
Au même instant, comme si le vautour n'attendait que cette parole, prenant la tête et les poignets, il vole au-dessus du groupe que formait la famille et les laisse tomber. La femme reconnaît la tête et les poignets de sa fille et se met à pleurer et à crier. Tous, ayant vu la calebasse, ils ont réalisé que la calebasse contenait des bêtes féroces... A partir de ce jour, la marâtre est devenue la servante de l'orpheline.
La fille du chef La fille d'un chef dit qu'elle veut partir en promenade : on lui donne un cheval. Elle dit qu'elle veut aller au village des magiciens : on lui dit qu'une fille ne va pas là-bas, on l'y tuerait. Elle dit qu'elle y part même si on doit la tuer. Elle y arrive. Une vieille femme dit :- Voilà un étranger. Un homme ou une femme ? »
La fille s'est changée en homme, les hommes ont dit :- C'est un homme ».
Mais la femme a dit :- C'est une femme ». Ils ont discuté longtemps ; ils ont dit que pour savoir la vérité, il n'y a qu'à l'envoyer au marigot se baigner. Si l'étranger accepte de traverser l'eau, c'est un homme et pas une femme.
Tous les hommes sont partis en brousse chercher du bois sec. On a confié l'étranger à une vieille. Quand les hommes sont revenus, ils ne trouvent plus l'étranger. Ils la poursuivent mais quand ils arrivent sur la route, la fille et son cheval se changent en tourterelle. La vieille femme se change en épervier. Mais quand l'épervier veut attraper la tourterelle, elle se change en bague. La bague tombe dans la poche d'un dioula. La vieille femme se change alors en griot, qui demande au dioula de lui donner quelque chose. Le dioula lui donne de l'argent, elle le refuse et dit qu'elle veut ce qu'il a dans la poche. Le dioula sort la bague, qui se change en fonio. La vieille se change en poule et mange le fonio. Mais il en reste un grain, qui se change en civette (mbam'bori).
La civette a mangé la poule.
Le magicien Un magicien poursuivit un homme. Cet homme possédait trois choses : un œuf, un morceau de canari, une aiguille. Il jette le morceau de canari, qui devient une grande montagne entre le magicien et lui. Mais le magicien trouve chez lui une hache et une pioche et il creuse la montagne. Quand il a fini, l'homme est loin. Mais le magicien court et le rattrape en quelques heures.
L'homme jette l'œuf, qui devient un grand fleuve entre le sorcier et lui. Mais le magicien rentre chez lui chercher des calebasses, et il vide le fleuve. L'homme fuit, mais le magicien le rattrape. L'homme jette l'aiguille, qui se change en une forêt d'épines. Le magicien rentre chez lui chercher son coupe-coupe.
Mais quand il a eu coupé les épines, l'homme était déjà rentré chez lui.
Six chasseurs Six hommes étaient partis chasser dans la montagne. C'étaient :
Yo Yongel : celui qui voit bien
Danya Tyewngel : le chasseur mince
Dyula ' Dyungi : l'homme à la main longue
Nyon Son Pedha : l'homme aux ongles robustes
Ndarata Bani Yiite Yalta : il regarde l'arbre bani au dur bois rouge, et le feu jaillit
Dampata Pelle Wundu Yalta:- il piétine la pierre, et une mare apparaît.
Ils avaient faim. L'homme qui voit loin a vu sept éléphants assis, se lever et traverser sept brousses, sept pâturages, sept montagnes et sept marigots. Le chasseur mince a tiré, et tué les sept éléphants. L'homme au bras long a étendu son bras et ramené les sept éléphants. L'homme aux ongles robustes les a dépouillés. L'homme dont le regard enflamme le bois de bani a regardé un bani mort, sec, et il s'est enflammé.
Les six hommes ont grillé la viande et l'ont mangée. Il leur manquait à boire ; l'homme qui fait jaillir l'eau de la pierre a frappé le sol avec son pied une seule fois : une source a jailli, où l'homme au bras long, sans se courber, a pris de l'eau pour ses compagnons.
Des six hommes, quel est le plus habile ?
Ninkiri avait interdit à un village l'unique puits des environs. Pour permettre aux habitants d'y venir puiser, il exigeait chaque année qu'on lui livre une jeune fille. On la portait au puits, le génie s'en emparait. Ceci durait depuis des années. Vint une fois le tour d'une fille unique. Son père et sa mère pleuraient, sachant que le jour approchait. Mais voilà qu'arrive au pays un chasseur réputé, qui leur demande pourquoi tant de tristesse. Quand il en sut la cause, il fut pris de pitié, et décida que la fille ne serait pas livré au monstre. Il partit au puits et tua Ninkiri. Un grand tam-tam célèbre cette délivrance le chasseur valeureux fut admiré de tous et devint le chef de toute la région.
La belle jeune fille et l'homme-lion Une jeune fille très belle 4 habitait un village de la brousse. Bien des jeunes gens du voisinage auraient voulu épouser la jeune fille et venaient la voir : elle était si belle. Mais elle les refusait tous, ayant décidé de n'épouser qu'un jeune homme à la peau sans défaut ni cicatrice. Un lion entendit parler de la jeune fille, il décida de lui rendre visite. Il se transforme en un bel homme et se dirige vers le village de la belle. Dès qu'il y est arrivé, toute la population l'entoure et l'admire. La fille était trop belle pour accomplir aucune besogne ménagère, aussi ses compagnes s'offraient-elles toujours à travailler à sa place. Dès qu'elle vit apparaître le visiteur, elle s'écria : « Voilà celui qui sera mon mari ! », et elle en fit part à ses parents. Les serviteurs se mettent à préparer le repas, et la fille qui, jamais auparavant n'a fait si rude besogne, prend elle-même le pilon. Elle prépare le riz et égorge un mouton. Le mariage a lieu.
Sur le chemin qui les ramène chez eux, le mari demande à sa femme :- Reconnais-tu cet endroit ?- Oui, c'est là que nos bœufs ont passé l'hivernage.
Un peu plus loin, le mari lui demande une deuxième fois :- Reconnais-tu cet endroit ?- Oui, c'est là que nous venons chercher du bois.
Une troisième fois :- Reconnais-tu cet endroit ?- Oui, c'est là que nous venons chercher de l'eau.
Une quatrième fois :- Reconnais-tu cet endroit ?- Oui, mon père, se promenant à cheval, m'y a
un jour amené.
Une cinquième fois :- Reconnais-tu cet endroit ?- Oui, J'y ai un jour porté du riz à mon frère.
Une sixième fois :- Reconnais-tu cet endroit ?- Non, Je n'ai jamais vu ces lieux à. Aussitôt, le mari, qui était jusqu'alors très bien habillé, laisse tomber ses chaussures.
Pourquoi ?- Oh, J'en ai d'autres ».
Mais à ce même endroit où le mari avait laissé tomber ses chaussures, le cheval de la jeune femme était venu les attendre, changé en chien : c'était un magicien. Il a avalé les chaussures. L'homme et la femme ont continué leur chemin.
Au bout d'un moment, le mari a laissé tomber son bonnet.- Pourquoi ?- Oh, j'en ai d'autres ».
Le chien a avalé la coiffure. Plus loin encore, le mari a laissé tomber son boubou : le chien l'a avalé ; plus loin encore son caftan le chien l'a aval&fin son pantalon : le chien l'a avalé.
Mais à ce moment-là ils étaient juste arrivés à la demeure du lion. L'homme et la femme descendent de cheval (ils montaient tous les deux le cheval du mari). Le mari fait entrer sa femme dans une belle chambre ; il sort quelques minutes, quand il revient, la femme voit qu'il est un lion. Elle veut crier, mais le lion lui dit :- Si tu cries, je te mange tout de suite.
Elle se tait et le lion ajoute :- Je vais nous chercher de quoi manger.
Il part chercher deux antilopes koba.
Le chien profite de son absence pour dire à la femme :- Je t'avais bien dit que c'était un génie. Maintenant tu ferais bien de croire tout ce que je te dis.
Le lion, à son retour, trouve sa femme avec le chien ; il leur donne à manger
Mais, le lendemain, le chien va à la chasse avec le lion et, chaque fois que le lion guette un animal le chien vient effrayer l'animal, qui s'enfuit. Le chien fit cela quatre fois dans la matinée, mais à la cinquième fois il eut peur d'être mangé et le lion tua un koba. Ils sont rentrés au village. Le lion a conseillé à la femme de renvoyer son chien chez ses parents. La femme a accepté de le renvoyer le lendemain.
Le lion avait fait part à ses camarades de son mariage. Un festin était préparé pour le lendemain, où la femme devait mourir. Pour se montrer bon hôte, le lion est allé à la rencontre de ses invités, très loin, et est donc parti de bonne heure. Le sachant, le chien a dit à la femme de fuir. Mais la femme avait tellement peur qu'elle refusa la première fois. Mais finalement, elle désirait tant quitter son mari qu'elle a accepté, et ils se sont enfuis par le chemin par où ils étaient venus.
Tout en courant, chaque fois qu'ils arrivaient là où le mari avait laissé un vêtement, le chien le vomissait et le laissait là. Quand ils sont arrivés là où le mari avait laissé son bonnet, le lion et ses camarades les ont aperçus. Mais le chien était un très puissant magicien, aussi a-t-il avalé la femme et fait pousser autour de lui de grandes herbes. Il s'est arrêté et a attendu le lion. Les lions sont arrivés jusqu'à l'endroit où la fille avait dit ne plus connaître. Ils se sont arrêtés, et n'ont vu aucune trace. Ils sont revenus sur leurs pas et ont vu que l'herbe avait envahi le chemin. Ils n'ont pas compris ce qui se passait.
Devant le lion même, le chien s'est déplacé et a pris la direction du village ; les lions sont allés plus près de lui, mais ils n'osaient s'approcher trop.
Là où il avait avalé les chaussures, le chien les a crachées et laissées. Les lions n'osaient pas sortir des lieux que la femme ne connaissait pas. Les lions se sont arrêtés. A cent mètres d'eux, le chien s'est débarrassé de ses herbes, il a craché la femme et a appelé le lion pour lui dire que c'était lui le chien, avec sa maîtresse. Au moment où le lion a voulu le poursuivre, ses camarades furieux se sont jetés sur lui et l'ont dévoré. La femme est rentrée au village sur son cheval, mais tremblante et maigre. Elle est allée droit chez son père lui demander pardon, et s'offrir en mariage 5 au plus vilain garçon du village.
Gorosigi Un roi bambara avait un femme peule nommée Gorosigi. Il se mon trait d'une extrême jalousie à l'égard de cette femme, qui ne sortait qu'une fois l'an. Il voulait que personne ne la voie, de peur qu'elle ne rencontre un homme et qu'elle ne l'aime. La femme a su patienter et vivre avec lui cinq ans, sans jamais voir un homme qu'elle aurait pu aimer,
car même le jour où elle sortait, elle ne voyait seulement que les serviteurs du roi.
Un jeune homme du Macina nommé Guéladyo, avait entendu parler de la beauté de la femme peule, épouse d'un Bambara fétichiste. Pour ce qu' on lui en avait dit, il était amoureux de la femme qu'il n'avait jamais vue. Mais ayant appris que la femme ne sortait jamais, il se demandait comment entrer en liaison avec elle. Selon la coutume, il est allé voir plusieurs marabouts, qui n'ont pu lui donner de chemin, de moyen par lequel voir la femme.
Il est ainsi allé de village en village. Il est arrivé au village où habitaient la femme et le roi. Il a vu tous les marabouts du village, mais sans aucun résultat. Un jour, en se promenant, il découvre, par hasard, une vieille femme qui habitait au bout du village. Elle avait dit-on soixante dix ans d'âge, et vivait avec une de ses petites filles de huit ans. Guéladyo salue la vieille très poliment, lui demande des renseignements au sujet de la femme et, ayant confiance en elle, lui dévoile tous ses secrets. La vieille lui répond :- Parce que j'ai entendu parler de ton courage, je vais te donner un moyen très simple de voir la femme. Retourne chez toi et reviens dans une semaine avec toutes tes provisions.
Très content, Guéladyo retourne chez lui. La vieille femme va trouver le roi et lui dit :- Roi du Macina, parmi tous tes suivants tu n'as confiance qu'en un mon fils. Tu l'as envoyé guerroyer il y a trois mois. Ses habits, ses charmes, tous ses effets sont chez moi. Tu sais que je suis vieille, je ne pourrai pas résister aux voleurs qui m'ont menacée hier. Je te demande de me faire faire une grande malle dont je te donnerai les mesures, pour pouvoir ranger tous les effets de mon fils en attendant son retour.
Sans réfléchir, le roi fait faire par les forgerons une grande malle qui pouvait contenir un homme grand, et l'envoie à la vieille. Celle-ci avait pris prétexte des charmes qu'elle seule pouvait ranger pour que les gens ne voient pas les effets : à la vue de certaines personnes, les charmes pouvaient perdre leur valeur. Le septième jour., comme la caisse était finie, la vieille fait chercher Gueladyo. Celui-ci arrive avec tous ses effets et ses provisions. Il se place dans la caisse, assez vaste pour pouvoir y respirer librement. La caisse avait une serrure à deux clefs. Gueladyo s'enferme avec une, la vieille garde l'autre chez elle, la vieille n'a pas eu le temps de dire à Gueladyo pourquoi, il le sait déjà, l'ayant deviné. Après quoi la vieille retourne chez le roi et lui dit :- J'ai fini de mettre les charmes et les habits de mon fils dans la caisse. La malle est. fermée par une serrure, dont j'ai la clef avec moi. De peur qu'on incendie ma case et que je ne puisse prendre ma caisse, je te prie de la faire amener dans ta chambre et de la mettre sous ton lit.
Ce qui fut fait immédiatement.
Le roi allait souvent passer la journée à une lieue du village, partant à huit heures pour ne revenir qu'à huit heures du soir. Un jour qu'il était parti, au grand étonnement de la femme, Gueladyo sort de sa caisse, avec ses beaux habits. A la seule vue de Guéladyo la femme crie :- Ah Guéladyo, je ne t'ai jamais vu, mais je sais que ça doit être toi. J'ai entendu parler de toi plusieurs fois, j'ai entendu parler de ta beauté, et c'est à juste titre... A toi je donne mon cœur et mon âme, sois mon époux si tu as ce courage et si tu en as le pouvoir
Comme la case où habite Gorosigi est toujours fermée en l'absence du mari, ils passent toute la journée à jouer, et à faire tout ce qui leur plait. Quand ils entendent le tambour qui accompagne le roi à son retour, Gueladyo s'enferme à nouveau tout doucement dans sa caisse. Le roi arrive ; à la porte de la maison, sentant l'odeur d'un homme autre que lui, il tombe évanoui pendant une heure. Se relevant il demande à Gorosigi avec quel homme elle a passé la journée. Celle-ci, à cette méchante question, tombe à terre en pleurant et en se plaignant d'être l'épouse d'un fétichiste, après quoi elle se relève, toujours triste et dit à son mari :- Tu as demandé ma main en plein Macina, où il y a des hommes aussi bien que toi et même mieux ; des rois plus beaux, plus nobles et plus riches que toi, ainsi que des fils de chef et de roi ont demandé ma main et n'ont pu l'obtenir, et toi, Bambara fétichiste, dont les biens ne peuvent pas réellement m'entretenir pendant un mois, toi avec ton petit royaume, tu es allé demander ma main, je t'ai vu et tu m'as plu. Mes parents ayant pitié de moi t'ont accordé ma main ; je suis venue chez toi... et tu m'accuses aujourd'hui d'avoir passé la journée avec un autre homme. Si aujourd'hui tu me hais, rends-moi à mes parents et je pourrai bien trouver un autre mari ». Le roi s'agenouille devant sa femme, les mains derrière le dos, et lui demande pardon. Mais ce manque de confiance demeure entre eux.. Un autre jour que le roi est parti, Gueladyo sort de sa caisse et joue avec la femme... . Le roi, qui a des soupçons, a fait exprès de laisser sa tabatière, en partant ce jour là sous les arbres. Au lieu de l'envoyer chercher, à midi, sans que nul ne le suive, car il veut que personne ne le voie, il vient chercher sa tabatière. Entrant très doucement, il trouve sa femme et Gueladyo sur le lit, et tombe immédiatement évanoui. Guéladyo en profite pour se réenfermer dans sa caisse. La femme, avec un air très naturel, « faisait le malin ». Le roi se lève, jure d'avoir vu sur le lit avec sa femme un homme au teint clair qu'il croit bien être Guéladyo. La femme se remet encore à pleurer, à parler, à dire des injures et à jurer. Furieux, le roi dit :- Je jure d'avoir vu un homme avec toi sur mon lit. Tu peux pleurer pendant dix ans, je jurerai toujours, même devant l'autel, que je t'ai trouvé avec un homme. Et puisque tu dis le contraire, je t'invite à jurer devant l'autel dès demain matin. La femme consent à la proposition de son mari. Elle passe toute le nuit à pleurer.
Mais pendant ce temps, la vieille s'informait chaque jour s'il n'y avait pas d'histoire dans le carré du roi, et un jour elle apprend que le roi avait trouvé sa femme avec un homme. Voyant la situation telle qu'elle est, et le danger qui menace son hôte, elle va elle-même trouver le roi et lui dit :- Mon fils a fait dire qu'il doit revenir après demain et vient trouver tous ses effets chez moi et non chez une autre : il a appris que je vous ai confié surtout ses charmes et craint que ceux-ci ne perdent leur valeur.
Le roi, qui est en colère, sans même répondre, appelle quatre de ses captifs et leur donne la caisse à porter... On se demande, de Gueladyo et de la femme, quel est le plus content...Le lendemain, la femme et son mari devaient aller jurer devant l'autel. Guéladyo reçoit ce conseil de la vielle :- Demain, ton amante et son mari jureront devant l'autel. Le roi est si fâché qu'il désire faire marcher sa femme à pied, lui et tous ses suivants allant à cheval. Toi, je te laisserai partir le dernier ; rejoignant les gens, tu trouveras certainement la femme à pied. Toi, tu la prendras et la mettras sur ton cheval. Vous arriverez les derniers. S'il arrive que le roi, un de ses suivants ou un autre te demandent comment tu oses porter la femme du roi à cheval à côté de toi, tu répondras ceci : « Je suis un étranger, je ne connais pas vos lois. Mais chez nous, quand on rencontre la femme d'un roi à pied alors que tous les autres sont à, cheval, la coutume dit de la porter sur son dos si l'on a pas de cheval ni d'autre monture. Voilà pourquoi j'ai eu pitié de la reine et l'ai prise sur mon cheval.Bien instruit, Guéladyo passe une mauvaise nuit : il ne ferme pas l'oeil. Le matin de bonne heure, il met ses beaux habits, après avoir lavé son cheval. A huit heures les tambours annoncent le départ pour l'autel et Guéladyo s'impatiente. A neuf heures la vieille lui donne l'ordre de partir et il se dirige vers l'autel. A deux lieues du village il trouve la femme à pied, la prend, la met sur son cheval en lui donnant ce conseil :- Quand on te dira de jurer, tu jureras que tu n'as jamais été assise nulle part avec un homme, si ce n'est celui sur le cheval duquel tu es, ainsi tu seras sauvée et ainsi nos souhaits seront réalisés puisque la coutume dit qu'aller jurer devant l'autel, c'est le divorce
Guéladyo se presse de rejoindre la troupe, pour ne pas éveiller des soupçons, et va jusqu'à l'autel auprès du mari de la femme, côte à côte avec lui. Là, il saute de son cheval et fait très poliment asseoir la femme auprès de son mari, qui recule. Quand tout le monde est assis, un suivant s'adressant à Gueladyo lui dit :- Etranger, comment as-tu osé porter la femme du roi sur ton cheval ?
Et Guéladyo de répondre :- Mon ami oui, c'est peut-être un tort : je suis un étranger, je ne connais pas vos lois. Mais chez nous, quand on rencontre la femme d'un roi à pied alors que tous les autres sont à, cheval, la coutume dit de la porter sur son dos si l'on a pas de cheval ni d'autre monture. Voilà pourquoi j'ai eu pitié de la reine et l'ai prise sur mon cheval.Tout le monde approuve ces paroles. Après quoi le propriétaire de l'autel s'adresse au roi et lui dit de jurer le premier. Le roi se lève, fait ses ablution, s'en va devant l'autel de l'esprit et jure :- Si je n'ai pas trouvé ma femme avec un homme, que l'esprit m'ôte l'âme sur champ.
Il jure ainsi trois fois sans qu'il lui arrive malheur. C'est le tour de la femme ; elle arrive, fait ses ablutions, se prosterne devant l'autel et dit :- Je jure devant l'autel. Que mon âme me soit enlevée si jamais je suis restée auprès d'un homme qui ne soit pas mon mari, si ce n'est cet étranger qui, à la vue de tout le, monde m'a mis sur son cheval.
Elle jure aussi trois fois sans que malheur lui arrive, à l'étonnement de tous, qui croyaient aux paroles du roi . Une deuxième fois, le roi et sa femme ont juré chacun trois fois, sans autre résultat
Ainsi le divorce était accompli. Les gens se dispersèrent. De fureur le roi s'arrache les cheveux, tombe évanoui et fait toutes sortes de grimaces, surtout pour être divorcé de Gorosigi, qu'il estimait ! Mais on ne pouvait revenir sur l'affaire, car l'esprit se vengerait. Tristement le roi rentre chez lui.
La femme était très contente d'être la future épouse de Guéladyo. Quoique mécontent du divorce, le roi prend toutes les richesses qu'il avait donné à sa femme et lui donne des porteurs pour les ramener chez ses parents. Le même jour Gueladyo a devancé la femme et a été l'attendre chez ses parents, et faire les démarches pour l'épouser. Comme sa main lui a été accordée, le mariage fut célébré le jour même de l'arrivée de Gorosigi.
Gueladyo et Samba Nyesi Nyesi (Le cycle de Gueladyo, ou Gueladye, grand amoureux et, vaillant guerrier, comprend plusieurs tindi).
Un chef était resté sept ans sans avoir d'enfant. Il alla consulter un marabout bambara qui, interrogeant pour lui ses cauris lui dit :- Je ne suis pas celui qui doit être ton marabout, va voir tel marabout Sarankolé.
Le chef va chez le marabout Sarankolé, qui lui dit :- Je ne suis pas ton marabout, mais va voir tel cordonnier, qui sera peut-être ton marabout ».
Le chef va chez le cordonnier, qui lui conseille un marabout fula dont il lui donne le nom - Il est toujours en haillons. Il n'a presqu'aucune considération, mais c'est lui qui parviendra à te donner un enfant.
Le chef va chez le fula, qu'il trouve en effet presque sans considération, et lui explique le but de son voyage. Le fula ouvre son Coran, y voit qu'il est celui qui parviendra à donner un enfant au chef. Il lui prépare un talisman , lui recommande de le donner à sa femme et lui annonce :
- Ta femme deviendra enceinte une nuit de jeudi à vendredi, en même temps qu'une de tes servantes. Quand ta femme te dira : « J'ai rêvé cette nuit avoir un enfant, tu convoqueras ta servante, elle aussi te dira avoir rêvé qu'elle va avoir un enfant. Tu traiteras alors ta servante comme ta propre femme. Tu les mettras dans une seule case, tu leur donneras la même nourriture et le même habillement. Elles accoucheront les enfants le même jour. Baptise les enfants le même jour au cours de la même cérémonie. Le chef rentre chez lui, et fait ce que le fula lui a recommandé. Un vendredi matin sa femme lui raconte le rêve... Se souvenant immédiatement des paroles du sage, il appelle sa servante : elle lui dit la même chose. Il loge les deux femmes dans la même case, comme cela le lui avait été recommandé ; elles sont traitées de la même manière jusqu'au jour de l'accouchement. Ce jour-là il baptise les enfants. Il donne au sien le nom de Gueladyo, et à celui de la servante celui de Samba Nyesi Nyesi , c'est-à-dire Samba le tatoué : les enfants se ressemblaient tant, comme s'ils étaient de même père, qu'il fit tatouer de nombreux petits traits sur le visage du fils de la servante .
Les enfants sont élevés dans la famille du chef, éduqués, habillés et traités de la même manière. Ils sont devenus grands sans savoir que l'un était le fils du chef et l'autre son serviteur ; ils se croyaient tous deux fils du chef. A l'âge de sept ans, Ils ont commencé à garder les moutons. Comme ils avaient neuf ans, Gueladyo vint un jour demander à son père de les circoncire . Son père lui dit qu'ils n'ont pas encore l'âge : l'année prochaine. Mais Gueladyo et Samba Nyesi Nyesi portaient toujours des couteaux : le lendemain, Gueladyo demande à Samba Nyesi Nyesi s'il aurait le courage, comme lui, de se faire circoncire, Samba Nyesi Nyesi répond que oui, il a ce courage. Gueladyo lui dit :- Je vais te circoncire le premier, et tu me circonciras ensuite.
Samba Nyesi Nyesi accepte. Gueladyo le circoncit, puis se circoncit lui-même. Les enfants avec qui ils étaient sont allés prévenir le chef, qui envoya des vieux installer les jeunes circoncis derrière les cases, à l'abri, jusqu'à leur guérison.
Comme Gueladyo a dix-huit ans, Il va demander à son père de lui donner des charmes contre les génies, contre le fer... tous les charmes possibles. Son père lui répond qu'ils n'ont pas encore l'âge. Mais quelques jours après, Gueladyo et son camarade se préparent à aller trouver un illustre marabout qui leur donnera des charmes pour se protéger. Ils vont chez un marabout Bambara. Interrogeant ses cauris, celui-ci leur dit qu'il est incapable de les satisfaire, mais il leur conseille d'aller voir un certain marabout Sarankolé. Les garçons y vont. Le marabout Sarankolé leur dit :- Je ne suis pas votre marabout, mais voici le nom de mon maître, marabout Diakanké.
Les garçons vont chez le marabout Diakanké, celui-ci les envoie chez un marabout fula. Le marabout fula leur dit ne pas pouvoir leur faire de talisman, mais d'aller voir certain cordonnier. Le cordonnier, interrogeant les puissances surnaturelles, voit qu'il ne peut pas leur préparer de médicament, mais les renvoie chez certain forgeron. Les garçons arrivent chez le forgeron et le trouvent en train de travailler ; ils lui exposent le but de leur voyage. Celui-ci, en trois coups de marteau frappés sur l'enclume en récitant quelques formules, voit qu'il est celui qui doit leur fournir des charmes. Il les loge dans sa case jusqu'au lendemain, puis leur dit :- Je suis bien le seul capable de vous procurer le bon charme, mais à une seule et indispensable condition. Dans la forêt que voici - il la leur désigne - vit un grand serpent. Si vous arrivez à le tuer, coupez-lui la tête et la queue, coupez le milieu du corps en deux morceaux et amenez-les moi. J'en ferai des charmes que nul ne pourra gâter.
Les deux jeunes gens décident d'aller tuer le serpent. Parvenus au milieu de la forêt, Samba Nyesi Nyesi dit à Gueladyo :- Va de l'autre côté, je t'attendrai ici.
Gueladyo répond :- Comment, toi le captif, tu donnes des ordres à ton maître. Ce jour là, Samba Nyesi Nyesi apprit qu'il était un captif et que Gueladyo était son maître . Il ne dit rien et va là où il avait dit à Gueladyo d'aller. Le serpent se sent menacé, et illumine de sa lueur toute la forêt. Mais le courage des garçons ne fait que grandir. Gueladyo, voyant le serpent se diriger du côté de Samba Nyesi Nyesi siffle et fait du bruit. Le serpent se retourne vers lui et, au moment où il lève sa tête pour le mordre, Gueladyo lève le bras, empoigne le serpent, lui coupe le cou. Au même instant, Samba Nyesi Nyesi saisit la queue, et la coupe aussi, mais Gueladyo a pris un plus grand morceau. Samba lui dit :- Gueladyo, tu es malin toi ».Ils rentrent au village, et donnent leurs prises au forgeron qui les gardent jusqu'au soir. Pendant la nuit, il prépare les charmes, ajoutant au serpent tout ce qui était nécessaire. Au matin, leur disant au revoir après avoir reçu le prix de sa peine, il dit aux garçons :- Amenez ces charmes chez un cordonnier, qu'il vous les couse dans un bon sac de cuir. Surveillez-le de près, qu'il ne batte pas le charme pour l'aplatir. S'il a été tapé, le charme sera abîmé. Il vaut mieux le frotter que le battre. Je jure sur mes ancêtres et sur mon enclume que vous resterez toujours invulnérables. Ni sabre, ni fusil, ni sorcier, ni ennemi ne pourront rien contre vous. Mais je vous préviens que celui qui prendra une plume de poule, en fera une flèche, et la tirera sur vous avec un arc, celui-là seul pourra vous tuer. C'est le seul défaut de ce charme. Sinon, au milieu de dix mille personnes, ne craignez rien. Les garçons rentrent bien contents. Les charmes sont cousus selon les recommandations du forgeron. Le père de Gueladyo était un chef musulman , mais il était sous la domination d'un chef Bambara, nommé NGaari Bambara. Celui-ci réclamait chaque année au père de Gueladyo un impôt. Mais dès que Gueladyo a été de retour, il dit à son père que cette année ils ne paieront pas d'impôt à ce fétichiste Bambara. Son père lui répond :- Je ne méprise pas, ton courage, mais ne te mesure pas au taureau bambara (ngaari : taureau), il est très puissant ; nos ancêtres lui ont toujours fait la guerre, mais ils ont été vaincus. Je sais que tu es vaillant, mais ne te mesure pas à lui.
Gueladyo n'ajoute rien, il part chez lui avec son camarade Samba Nyesi Nyesi. Une semaine plus tard, NGaari Bambara envoie ses collecteurs d'impôt. Dès que Gueladyo l'apprend, il va attendre les envoyés du chef bambara sur la route, comme ils s'en retournent chez eux, et leur demande ce qu'ils étaient chargés de dire à son père. Ils répondent qu'ils sont envoyés par NGaari Bambara pour demander l'impôt. Alors Gueladyo coupe le bras au premier, à l'autre il enlève une oreille, au troisième il donne un grand coup de sabre sur le front, et leur dit :- Allez dire à NGaari Bambara, allez dire à ce fétichiste que moi Gueladyo, fils de Hambodheedyo (Hammadi Bodedyo : second fils rouge, second fils au teint clair), que nous ne paierons pas l'impôt cette année.
A la vue de ses envoyés, NGaari Bambara se demande ce qui leur est arrivé. Ils s'expliquent. NGaari Bambara dit alors - Les Pullo veulent rire. Je ne sais pas s'il est né le Gueladyo qui m'empêchera de ramasser l'impôt.
Et le lendemain, il envoie de nouveaux commissionnaires qui ordonnent à Hammadi d'envoyer des impôts avant deux jours. Hammadi répond :- Moi je n'ai pas refusé, mais c'est mon fils qui s'y oppose...
Gueladyo avait appris l'arrivée des commissionnaires, il va de nouveau les attendre en chemin. Sans grande explication, il coupe le bras du premier, l'oreille du second et le nez du troisième, et leur dit :- Allez dire à NGaari Bambara que je l'attends. Qu'il me fixe la date de notre rencontre. Je suis seul, peut-être serons-nous deux, mais ces deux-là renverseront toute une armée de Bambara.
La commission est faite à NGaari Bambara. Furieux, celui-ci tape sur sa tabala (tambour) et réunit près de 10.000 guerriers.. Il envoie dire à Gueladyo qu'ils se rencontreront dans tel village peul qu'il lui indique. Quand Hammadi l'apprend, il réunit tous les vieux de son pays :- J'ai un enfant, leur dit-il. Cet enfant est notre ennemi à tous. Gueladyo se croit un grand homme et veut faire la guerre aux Bambaras. La chose étant inévitable, que tous ceux qui veulent l'acçompagner partent, mais je dégage toute ma responsabilité.
Gueladyo, après son père, prend à son tour la parole :- Oui, dit-il, j'ai voulu une guerre contre ces fétichistes qui nous ont tant de fois pillés. Je n'invite personne à me suivre. A ceux qui le feront par amour-propre, je demande pardon. S'ils viennent à mourir. Moi, je me suis sacrifié pour notre cause à tous. Je vous dis à tous au revoir, et je vous demande votre bénédiction. Gueladyo rentre chez lui avec Samba Nyesi Nyesi et quelques centaines de ses parents qui veulent l'accompagmer. Ils partent le lendemain à la rencontre des guerriers bambara. Ils marchent pendant trois jours, le quatrième jour, à neuf heures du matin, la rencontre a lieu, et la fusillade commence. Au premier choc, les camarades. de Gueladyo sont obligés de fuir. Mais deux heures, la situation était renversée. Gueladyo fait face à l'est et attaque l'ennemi vers l'ouest ; Samba Nyesi Nyesi, avec les autres peuls, font eux face l'ouest et attaquent vers l'est. L'ennemi était pris entre deux fronts. Vers six heures du soir, plus de huit mille Bambara avaient été tués ou blessés, le reste est capturé par Samba Nyesi Nyesi, Gueladyo et leurs compagnons. NGaari Bambara n'avait pas pris part au combat ; Gueladyo et Samba Nyesi Nyesi prennent le chemin de son village. Ils trouvent NGaari Bambara assis avec sa reine. Le premier arrivé, Gueladyo arrête son cheval juste au-dessus de la tête de NGaari Bambara qui saute en criant. Avant qu'il ait le temps de se préparer, Gueladyo le prend à la nuque, le terrasse, et Samba Nyesi Nyesi lui lie une corde autour du corps. Gueladyo lui offre la vie, s'il se convertit. NGaari Bambara accepte.- Je sais maintenant, dit Gueladyo, que tu es un lâche. Voilà ce que tu mérites.
Et il l'égorge. Tapant sur la tabala de NGaari Bambara, Gueladyo rassemble ce qui reste de Bambaras et les conduit à son père, dans son pays. NGaari Bambara était mort et son pays ruiné, tous ses biens - captifs et animaux - Gueladyo avec ses guerriers les ramène à son père. C'est ainsi que Hammadi Hambodedyo est devenu un grand roi.
Ham Bodhedyo Dyalle Pâté C'était un très grand roi du Macina que Ham Bodhedyo Dyalle Pâté, ce qui signifie le second fils de sa mère, l'homme au teint rouge. Ses charlatans et marabouts lui avaient dit de tuer tout enfant de sexe féminin que lui donnerait une de ses femmes, car elle devait le détrôner. Mais lorsque Gueladye, son fils très illustre eut atteint l'adage de quinze ans, sa mère accoucha d'une fille. Sachant ce qui avait été dit à son père, Gueladye prit des précautions pour empêcher la mort de sa sœur. Il interdit à tous d'aller voir sa mère : lui seul pénètre dans la case de celle-ci. Comme il était aussi puissant que son père, cet ordre fut respecté, et le roi aimait tant Gueladyo et sa mère que personne n'osa lui dire que la mère de Gueladye avait accouché d'une fille.
Apprenant l'accouchement de sa femme, Ham Bodhedyo Dyalle Paté envoie ses griots demander si elle a accouché d'un garçon ou d'une fille. Les griots trouvent Gueladye à la porte de sa case de sa mère. Ils chantent ses louanges, et tout en le flattant, lui disent :- Ton père, Ham Bodhedyo, nous envoie voir si ta mère a accouché d'un garçon ou d'une fille.
Gueladye leur ordonne d'aller dire à son père que lui, Gueladye, fils de Ham Bodhedyo Dyalle Paté, héritier de la couronne du Macina, fait savoir à son père que sa mère a accouché d'un garçon. Mais Gueladye interdit aux griots d'entrer dans la case.
Plein de soupçons, Ham Bodhedyo convoque un charlatan bambara, et lui demande de consulter ses cauris pour savoir si la femme a accouché d'un garçon ou d'une fille. Le charlatan, après avoir par trois fois jeté ses cauris sur le sol, déclare que la femme a accouché d'un garçon. Or Ham Bodhedyo Dyalle Paté avait chez lui des oiseaux devins qui lui parlaient chaque fois qu'un malheur allait lui arriver.
Lui seul comprenait leurs gazouillements. Et voilà que les oiseaux se mettent à gazouiller, démentant les paroles du Bambara :- Il a menti le charlatan, la femme a accouché d'une fille.
Le chef convoque un second charlatan, qui répète les paroles du premier paroles que les oiseaux ont démenties. Il convoque un troisième, puis un quatrième, un cinquième et un sixième marabout. En septième lieu, il convoque une vielle femme qui habitait tout au bout du village. Celle-là, comme les oiseaux qui ont démenti les paroles des six marabouts, lui dit que sa femme a accouché d'une fille, et affirme : - Sache que tout ce que te racontent d'autres marabouts est faux. La femme a accouché d'une fille.
Ham Bodhedyo envoie ses griots interroger à nouveau la femme accouchée. Mais Gueladye à nouveau leur interdit d'entrer et répète toujours les mêmes paroles. Arrive enfin le jour du baptême, le roi se prépare selon la coutume et décide d'aller lui-même voir l'enfant, accompagné de tous ses griots. Gueladye l'avait prévu, et il vient lui même à la rencontre de son père, après avoir fait lui-même, en compagnie de ses propres, griots, la cérémonie du baptême. Ayant rejoint son père il dit à son griot de lui traduire ceci :- Mon père étant roi, et moi son héritier, je ne puis en aucune manière le trahir. Si le roi a confiance en lui-même, qu'il ait confiance en moi, son fils Gueladye. Tout ce que lui racontent marabouts et charlatans est faux. Gueladye à eu un frère et non une sœur. A mon âge, un fils doit remplacer son père, et c'est pour juste raison que j'ai accompli moi-même la cérémonie du baptême. Le nouveau-né porte le nom de son grand-père, Bodhedyo. Mais si mon père n'a pas confiance en moi et croit que je le trahirai, qu'il passe voir l'enfant. Je sais seulement que je ne trahirai pas mon père, mentir à son père est indigne et porte malheur.
Le griot traduit ces paroles, et le père répond :
- Je sais que Gueladye est mon sang. Par sa bravoure, il est au moins égal à moi, s'il ne m'est pas supérieur... Je sais qu'il ne me trahira pas, mais je lui fais savoir qu'il est encore jeune, qu'il a l'esprit enfantin, que trop de sang bout dans son corps ; s'il laisse une fille dans notre concession, dans notre famille, notre trône sera détruit et nous en pâtirons tous les deux. Qu'il ne se laisse pas, c'est un conseil, égarer par sa jeunesse ; mais j'ai malgré tout confiance en lui, et je sais qu'il a un frère et non une soeur ».
Puis le roi s'en retourne chez lui. Mais chaque semaine, durant quatorze ans, les gazouillements des oiseaux lui répètent qu'une fille lui est née, fille qui lui portera immensément malheur, malheur qui renversera son royaume... et, durant ces quatorze ans, chaque semaine, après que les oiseaux ont gazouillé, le roi envoie ses griots redemander à Gueladye s'il a une sœur ou un frère ; mais Gueladye répond d'un ton qui parait sérieux et sincère. Quand l'enfant a eu six ans, le roi a demandé à Gueladye pourquoi l'enfant ne venait pas lui rendre visite, et Gueladye répond :- Mais papa, à quel âge m'avez-vous, vu ? Je crois que c'est à l'âge de quinze ans seulement, après ma circoncision.
Le père, sachant que c'était vrai, ne dit plus rien.
A l'âge de quatorze ans, on dut exciser la fille. Elle avait grandi dans sa case, où nul ne pénétrait, sauf Gueladye et sa mère ; tout ce qu'elle avait à faire, elle le faisait dans sa case. Et le père, ayant tant entendu dire que l'enfant était une fille, attendait avec impatience la circoncision et tenait fermement ce jour là à voir son fils. La circoncision devait avoir lieu un vendredi matin. La nuit précédente se passe à danser, boire et manger.
Gueladye n'a plus le moyen de cacher sa sœur : dans la nuit, il l'excise lui-même, et le matin de bonne heure il se sauve avec elle dans la brousse ; puis il porte à son père un de ses demi-frères (d'une autre mère que sa soeur et lui) qui portait un autre nom que Bodyo. Mais le père, qui ne voyait sa multitude d'enfants qu'à quinze ans ne se rappelait pas leurs noms, fut rassuré, et. l'enfant fut circoncis.
Après la cérémonie, Ham Bodhedyo est rentré dans sa concession pour entendre, plus fort qu'auparavant et immédiatement, le gazouillis des oiseaux lui disant:- Ton fils t'a trompé, tu as une fille, que ton fils a excisée dans la brousse, et il t'a présenté le fils d'une autre de tes femmes.
Ham Bodhedyo renvoie des émissaires à son fils qui répond toujours les mêmes paroles. Quinze jours après, la fille, qui avait reçu au baptême le nom de Fatoumata Binta, nom connu seulement de Gueladye et de sa mère était guérie. Gueladye, assailli par des émissaires et des questions de son père, fut obligé de fuir avec sa car le père avait pris la décision, irrévocable, de voir l'enfant et de le tuer si c'était une fille. Gueladye fuit avec sa sœur jusqu'à la frontière de leur pays, emportant la moitié du troupeau 1 de son père. Seul avec sa sœur, il fonde un petit village : lui gardait les bœufs, elle restait seule au campement . On dit que Fatoumata était d'une incomparable beauté, d'une beauté légendaire, sans défaut. Gueladyo lui-même restait parfois toute une journée à observer sa sœur ; il aimait sa sœur plus que son âme, et elle l'aimait tout autant. Avant qu'il la quitte le matin pour surveiller les bœufs dans la brousse, ils se donnaient mutuellement des conseils, et le soir, chacun avait un désir très chaud de revoir l'autre. Ils vivaient dans ce lien, sans pareil de parenté et d'amitié. Tout ce que chacun devait faire, il le demandait à l'autre. Il y avait entre eux une grande amitié.
Un jour, un chasseur bambara du village de Sa, après une longue, marche sous un soleil torride, cherchant un puits ou une mare, car la soif serrait sa gorge, arrive à découvrir une petite hutte de branchages entrelacés, au milieu d'une impénétrable forêt. Il avait si soif qu'il ne pouvait pas parler. Il vient droit à l'habitation, mais Fatoumata, surprise de voir pour la première fois depuis sa naissance, un tel être, un homme, dont les vêtements de chasseur lui font peur, commence à s'inquiéter. Quoique on leur attribue le plus grand courage, à elle et à son frère, elle s'émotionne à la vue de cet homme ainsi vêtu. Le chasseur ne pouvant pas parler, lui demande à boire d'un geste. Fatoumata, quoique étonnée, lui tend une calebasse d'eau très très propre. Le chasseur prend trois gorgées, qui lui rendent presque la vie puis, tenant toujours la calebasse à la main, il reste cinq heures de temps à regarder Fatoumata, Malgré sa soif, il n'avait encore bu que trois gorgées ; il ne fit que regarder la fille filer du coton . Mais quand celle-ci sut que son frère allait rentrer avec les boeufs, elle dit au chasseur:- Si tu as soif, bois l'eau, et pars. Tu es resté assez longtemps à m'observer comme si tu n'avais jamais vu personne. Mais gare à toi, si mon frère Gueladye te trouve là, car il doit rentrer dans quelques instants.
Alors le chasseur a recommencé à boire, mais les yeux fixés sur la fille. Après s'être désaltéré, il pose la calebasse sur le sol, et sort à reculons, de façon à emporter un dernier souvenir de la beauté de la figure de Fatoumata. Quelques instants après le départ du chasseur Bambara, Gueladyo rentre avec son troupeau, comme il avait le pouvoir de voir ce qui se passait loin de lui, dès son arrivée il demande à sa soeur qui est venu en son absence.
Fatoumata raconte que c'est un chasseur égaré qui lui a demandé de l'eau à boire, mais son frère est mécontent, il lui fait des reproches.
Pour la première fois, Gueladyo et sa soeur sont en désaccord. Mais, finalement Gueladyo est obligé de demander des excuses à sa sœur, pour la trop grande violence de ses reproches.
Dès que le chasseur est rentré, il va trouver Ibrahima Ngurari, roi des Bambara, et lui dit :- Ibrahima Ngurari, tu es un grand roi. Tu as toujours demandé à tes sujets de te dire où ils ont vu la plus belle des femmes pour pouvoir l'épouser. Et bien, il y a en pleine brousse une femme peule, fille de Ham Bodhedyo et sœur de Gueladyo, c'est la plus belle femme que j'ai jamais vue, et si Ibrahima Ngurari veut le savoir, un jour le chasseur l'accompagnera jusqu'au troupeau où habite Fatoumata mais, pour éviter Gueladyo, il faut attendre jusqu'à midi pour voir la fille, et éviter de rencontrer Gueladyo avec le troupeau.
Un jour, Ibrahima Ngurari envoya trois de ses griots avec
le chasseur, pour voir si Fatoumata était vraiment aussi belle que l'expliquait ce dernier. Les envoyés arrivant juste comme Gueladyo était parti avec les bœufs. Fatoumata, qui a maintenant envie de voir le monde, les reçoit très bien cette fois et leur donne à manger. Mais ils n'ont pu manger, ayant leurs regards fixés sur Fatoumata, à la surnaturelle beauté. Après quoi les griots, qui ont toujours la langue dure, disent à Fatoumata qu'ils sont envoyés par Ibrahima Ngurari qui est amoureux d'elle. Ibrahima Ngurari, roi des Bambara, le plus puissant, le plus beau, le plus riche et le plus courageux de tous les habitants du Macina, Peuls et Bambara. Ils attendent de Fatoumata une réponse favorable. Après quelques minutes de silence, Fatoumata répond qu'elle accepte avec plaisir ce que Ibrahima Ngurari lui envoie dire, et, pour lui marquer l'estime qu'elle lui réserve, elle lui donne une des bagues d'or qu'elle portait .
Le retour de Gueladyo approche, Fatoumata demande aux envoyés, d'Ibrahima Ngurari de partir, pour que Gueladyo ne les trouve pas. Ils partent, avec regret, et vont expliquer à Ngurari la beauté, de Fatoumata. Le roi ne pouvait plus se contenir : Fatoumata et les griots avaient fixé la date à laquelle Ibrahima Ngurari devait rendre visite à Fatoumata, Ibrahima Ngurari disait chaque jour que ce jour était arrivé.
Après le départ des griots, Gueladyo rentre avec ses boeufs. Toujours par magie, il a appris que des gens sont venus en son absence. A cause de cela, il se querelle avec sa sœur. De ce jour, ils ne devaient plus cesser de le faire. Le jour où Ibrahima Ngurari devait venir rendre visite à Fatoumata était arrivé. Dès que Gueladyo l'a quittée avec ses bœufs, Fatoumata a préparé de grands plats, et elle attend impatiemment ses visiteurs. Enfin ceux-ci arrivent. Fatoumata passe toute la journée à boire, à manger, à danser avec Ibrahima Ngurari et ses compagnons. Ibrahima se fiance à Fatoumata, mais il se demande comment le mariage pourra avoir lieu. Fatoumata lui dit :- Venez demain avec une forte armée, installez-vous à un kilomètre du troupeau. Je tirerai un coup de fusil pour vous dire de venir.
Ibrahima Ngurari et ses compagnons rentrent chez eux. Ibrahima Ngurari savait qu'il n'y avait pas de pareille femme dans tout le Macina, chez les Peuls ni chez les Bambara, et il était pressé d'avoir la main de la femme. Aussi, dès son arrivée, dans la nuit même, il réunit plus de vingt mille hommes, plus de vingt mille chevaux et plus de vingt mille armes, fusils, coupe-coupe, lances. Et, dans la nuit même, ils arrivent à proximité du troupeau de Gueladyo, en grand silence, pour ne pas éveiller l'attention de celui-ci.
La veille, après qu'Ibrahima Ngurari soit venu rendre visite à Fatoumata, Gueladyo en rentrant le soir avait fait à sa sœur des reproches encore plus grands, mais à chaque querelle ils se réconciliaient vite, et Gueladyo et sa sœur avaient passé la nuit toute entière à danser, se racontant des souvenirs de leur pays, se racontant les hauts faits des hommes illustres de leur famille. Mais le matin de bonne heure, après avoir trait les vaches, Fatoumata se met à pleurer, à pleurer, à pleurer. Son frère lui pose de nombreuses questions, elle continue à pleurer mais ne répond pas. Chaque question semble être pour elle une blessure. Gueladyo ne peut plus se contenir. Enfin , Fatoumata répond à ses questions :- Gueladyo tu dis que tu m'aimes, tu dis que je suis ta sœur la plus estimée, tu dis que nous sommes fils d'un grand chef, Ham Bodhedyo Yelle Paté, tu dis que tu peux satisfaire toute mes demandes. Mais moi quand j'aurai vieilli, que pourrais-je raconter à mes frères, à mes soeurs, à ceux de mon rang, je n'ai rien fait de tout ce que doit faire le fils ou la fille d'un chef. Je n'ai jamais pillé comme toi ou toutes mes soeurs, je n'ai jamais eu de servantes ou de captifs au contraire C'est toujours moi la servante je n'ai jamais attaché ni battu personne ; je n'ai jamais mesuré mon courage, je ne l'ai jamais démontré. Quand un fils ou une fille de chef n'a rien fait de toutes ces choses, il est indigne de sa famille. Voilà ce que je pense et voilà ce qui me fait pleurer. Gueladyo, tu dis que tu m'aimes, et je n'ai jamais vu le monde depuis que je suis née. Je n'ai jamais vu personne, malgré tes accusations. Je mourrai dans cette vie de servante et dans cette grande solitude.
Humilié, Gueladyo dit à sa sœur :- Ma sœur, je t'ai toujours dit que je pouvais tout faire. Tu dis n'avoir jamais attaché ni battu personne, je suis là : attache-moi bien, et bats-moi bien, et bats-moi, même si tu veux me tuer. Mais je te fais savoir que si, qui que ce soit, fusse une mouche, veut te toucher, je le ferais disparaître de ce monde. A plus forte raison un être humain.
Alors il prend des cordes solides, qu'il donne à Fatoumata, il se met contre un poteau de bois ; et lui donne l'ordre de l'attacher. Une grande joie se montrait dans les yeux de Fatoumata. Elle commence à attacher fortement son frère qui lui dit :- Mais ma sœur, comme tu ne veux pas me tuer, ne m'attache pas à ce point.
Et Fatoumata se remet à pleurer. Alors Gueladyo lui dit : - Je te donne mon âme, et attache-moi comme tu voudras. Fatoumata attache son frère contre un grand arbre et l'attache très fortement. Gueladyo sent les cordes sur ses os. Comprenant ce qui se passait, quand Fatoumata a fini de l'attacher, il lui dit : - Ma sœur, tu crois être arrivée à me tromper. Je t'ai dit que je t'ai sacrifié mon âme. J'ai toujours juré de ne pas revenir sur mes paroles, et même si je dois mourir plus misérablement encore je ne le ferai pas ! Au nom de mon père ! Mais je te fais savoir que si tu fais cela, cela retombera sur toi-même. Je n'ajoute plus rien. Je sais que tu veux te marier avec le chef bambara, avec ce fétichiste. Je sais depuis l'autre jour que tu as été découverte par un chasseur, mais tout cela retombera sur toi.
C'est bien exactement ce que m'avait dit mon père et c'est pour cette raison que je t'ai fait fuir.
Mais Fatoumata l'interrompt :- Mais mon frère, Gueladyo, je n'ai jamais vu de frère jaloux de sa soeur, sauf toi, mais cette jalousie te coûtera la vie. Tu disais que tu étais brave mais aujourd'hui tu mourras de la main du chef bambara qui m'épousera malgré toi.
Aussitôt elle tire son coup de fusil et Gueladyo voit venir une armée de 20.000 hommes ; à leur tête, Ibrahima Ngurari sur son cheval blanc. Aussitôt Gueladyo au teint clair devient tout noir, du feu semble sortir de ses yeux, de la bave coule de sa bouche, il semble enfler sous ses liens, on entend au loin le battement de mon cœur, sa fureur enfin eut fait mourir un homme sans courage.
Ngurari prend place auprès de Fatoumata et pose son pied sur le sien. Fatoumata lui explique : «- Mon frère est un génie ; il faut donner l'ordre à tous tes gens de tirer sur lui. Dix mille coups de fusil ne peuvent pas le tuer.
Ibrahima Ngurari donne l'ordre de tirer sur Gueladyo. De toute son armée s'échappe un grande fusillade. Le ciel devient, obscur, toute la terre tremble ... Quand le brouillard se fût dissipé, Gueladyo était toujours debout ... Chacun des guerriers tire sur lui dix charges... et il ne meurt pas. Les balles s'entassent autour de lui, il en a jusqu'aux reins... mais cela n'est rien pour Gueladyo en courroux : - S'il arrivait à se détacher, il tuerait tous ces guerriers.
Dix autres charges sont tirées sur lui, les balles l'entourent jusqu'au cou... il est toujours vivant et sans blessure ; il souffre ; il souffre seulement à cause des balles qui le serrent à l'étouffer. Il s'adresse à Fatoumata :- Ma sœur, ne me fais pas tant souffrir. Puisque tu veux à tout prix que je meurs, écoute, ôte-moi d'abord le charme
attaché à mes cheveux, puis fais faire un petit arc, prend l'ergot d'un coq et fais en faire une flèche. Que quelqu'un tire alors sur moi, cette flèche seule peut me tuer, sinon vous pourrez tirer pendant mille ans, jamais je ne mourrai.
Fatoumata elle-même prend aussitôt un coq, le tue, prend son ergot, fabrique une flèche et un arc elle tire sur Gueladyo: il meurt.
Fatoumata devient l'heureuse épouse d'Ibrahima Ngurari qui emmène tous les boeufs de Gueladyo et son cheval qui hennissait de douleur depuis le matin. Ibrahima Ngurari est content, quoiqu'il demeure étonné par Gueladyo l'invulnérable. On emmène tous les boeufs et le cheval à Sa.
On avait retiré à Gueladyo ses liens, après avoir déblayé les balles qui l'entouraient. Vingt-et-un jours se passent. Depuis que Gueladyo est mort, ni ses bœufs, ni son cheval n'ont brouté. Fatoumata elle-même commence à regretter la mort de son frère. Les bœufs de Gueladyo ne prenaient aucune nourriture, ni son cheval. Ibrahima Ngurari avait cherché plus de mille palefreniers et plus de mille bergers, qui avaient essayé de nourrir les animaux. Mais aucun palefrenier, aucun berger n'était parvenu à faire brouter ni les boeufs ni le cheval. Ils avaient préparé tous les médicaments qu'ils connaissaient pour donner de l'appétit aux animaux, mais n'avaient pas réussi.
On dit que quand Gueladyo mourut, on lui coupa la tête, qui fut mise sur un poteàu de bois planté au milieu de la cour d'Ibrahima Ngurari. Du jour où elle commence à le regretter, Fatoumata sort chaque matin et honore la tête de son frère. Dans la forêt où son cadavre était resté, tous les animaux passaient la nuit autour du corps de Gueladyo : tous les animaux auxquels Gueladyo avait souvent donné à manger, car il tuait de nombreuses bêtes et les abandonnaient : lions,. panthères, cynhyènes, vautours. Gueladyo était connu même des oiseaux. Quand ces animaux n'ont pas été nourris pendant quatre Jours, comprenant qu'il était arrivé malheur à Gueladyo, ils sont venus voir où il était et ont trouvé son cadavre. Quelques fauves proposent de le manger, mais d'autres, au contraire soutiennent qu'il faut être reconnaissant à l'égard de qui vous rend service. Gueladyo leur ayant rendu de nombreux services, à leur tour d'essayer tous les moyens de le faire revivre. L'hyène disait : - Si j'avais la tête de Gueladyo, je pourrai la recoller à son corps, comme elle l'était auparavant.
Une mouche maçonne affirmait :- Si cela se faisait, je serais capable de lui rendre la vie.
Mais qui ramènerait la tête de Gueladyo ? Un épervier s'empressait :- S'il y a parmi nous des braves autant que moi pour m'accompagner, j'irai chercher la tête de Gueladyo dans la concession. Deux autres éperviers et un aigle à pattes rouges se présentèrent.
A tire d'aile, ces oiseaux de proie se dirigent vers Sa. Mais la tête de Gueladyo était toujours gardée, par dix mille fusils. Une mouche maçonne même si elle passait au-dessus, était tuée. Arrivés au-dessus de la concession d'Ibrahima, les oiseaux la survolent trois fois. Puis d'un coup d'aile, l'épervier saisit la tête de Gueladyo et se dirige vers la brousse. Une fusillade éclate : dix mille canons visent l'oiseau qui, de peur, laisse tomber la tête de Gueladyo. Mais le second épervier, la rattrape avant qu'elle n'ait touché terre ; les oiseaux rejoignent les autres animaux. Chez Ibrahima Ngurari, l'étonnement régnait, les paroles bruissaient. : - La tête de Gueladyo emmenée, peut-être qu'il va revenir.
Mais Ibrahima disait : - Gueladyo est mort depuis vingt-et-un jours. Malgré son courage je n'ai jamais vu de ressuscité.
Il conseille à Fatoumata de ne pas écouter ces mensonges.La tête lui ayant été amenée, la hyène fait apparaître un petit sac contenant lui même trois autres sacs l'un dans l'autre. Du troisième sac elle retire une espèce de queue de poils inconnus à l'extrémité rouge. Elle prend la tête de Gueladyo, l'approche de son corps, et tourne trois fois la queue autour du cou : la tête est aussi solidement fixée qu'au temps où Gueladyo vivait. A son tour la mouche maçonne s'approche. Sa sorcellerie redresse Gueladyo, tout étonné de se trouver au milieu de fauves et d'oiseaux de proie : - Que faites-vous ici, qu'arrive-t-il ?
Le lion répond : - Gueladyo, depuis ta mort aucun de nous n'avait mangé. Sachant reconnaître les services rendus, nous avons ramené ta tête, qui était à Sa, et nous t'avons rendu la vie. Mais nous avons faim.Guéladyo avait une arme dans sa poche, il regarde derrière lui et voit passer un troupeau de coba il en tue cinquante, qu'il donne à ses bienfaiteurs. Se retournant encore une fois, il voit passer un troupeau de buffles : il en tue cinquante, et puis encore cinquante antilopes : il les. donne aux animaux. Après quoi il les remercie, et ceux-ci à leur tour le remercient. Et Guéladyo s'en va. Il prend des sacs et s'en fait faire des habits. Il se dirige vers Sa. Le jour même, en chemin, il rencontre Fatoumata sa sœur, au milieu de ses co-épouses, en train de laver le linge de leur mari. Guéladyo avait le moyen de se faire très petit. Mais dès que Fatoumata l'a vu elle l'a reconnu : - Est-ce mon frère, mort depuis vingt-deux jours, ou est-ce une ressemblance ?
Elle dit à ses co-épouses :- Si mon frère n'était mort qu'hier, je dirais celui-ci est mon frère. Mais comme il y a vingt-deux jours, je dis que cet homme ressemble à mon frère.
Guéladyo s'approche, les salue en déguisant sa voix, leur demande de l'eau à boire. Il passe, il arrive à Sa, trouve Ibrahima Ngurari entouré de milliers de suivants. Malgré les bousculades, les injures et les coups qu'il reçoit, Guéladyo arrive à serrer la main d'Ibrahima Ngurari et à s'asseoir auprès de lui. On l'interpelle :- Mais où vas-tu, toi, avec tes haillons ? Qu'est ce que tu viens chercher là, tu veux mourir, tu veux subir le sort de Guéladyo ?
Il répond : - Non, mais comme je veux parler au roi, laissez-moi passer.
Il passe après avoir reçu de violents coups de poing et des
injures. Mais Ibrahima l'a vu lutter pour se frayer un passage et il dit : - Laissez passer ce pauvre malheureux, vous ne savez pas pourquoi il vient me voir.
Il serre alors la main à Guéladyo, qui s'adresse à un suivant : le suis venu voir le chef pour le saluer. Je suis malheureux, pauvre et orphelin à la fois. Je n'ai pas de force. Je viens demander au chef une place, pour être nourri.Le chef lui répond qu'il l'a écouté et lui demande d'où il vient. - Du Macina.- Quel travail peux-tu faire ? - J'ai été une fois palefrenier, le reste du temps berger.
Malgré ses haillons et sa maigreur le malheureux avait l'air intelligent. Ibrahima Ngurari, très joyeux, s'écrie : - Peut-être ce malheureux pourra-t-il faire manger le cheval de Guéladyo et ses boeufs.
Et il désigne un de ses suivants pour accompagner le malheureux.
Sera-t-il capable de nourrir le cheval de Guéladyo ?
Le jeune pauvre avait dit s'appeler Hammadi.Depuis que le cheval était entré dans la concession d'Ibrahima, il n'avait jamais henni. Voyant Hammadi et le reconnaissant pour Guéladyo, il hennit. Tout le monde dit alors : - Peut-être est-ce un bon palefrenier.
Hammadi va chercher de l'eau : le cheval, qui boit pour la première fois depuis vingt-cinq jours, en boit quatre baignoires. Hammadi lui présente du foin et il en mange beaucoup aussi, à la grande joie d'Ibrahima Ngurari et de Fatoumata : ils avaient trouvé un bon palefrenier. Mais les bœufs ne broutaient toujours pas l'herbe.Un jour, Ibrahima envoie le palefrenier au troupeau, pour voir si les bœufs, avec lui, se nourriraient. Reconnaissant leur ancien maître, les animaux se mettent à beugler. C'est une nouvelle joie pour Ibrahima et Fatoumata de voir leurs animaux recommencer à manger. Peu à peu Hammadi s'habituait : on lui reconnaissait une grande intelligence. Les animaux broutaient maintenant, même s'ils étaient gardés par un autre berger, car chaque jour, Hammadi allait visiter le troupeau et le cheval. Ibrahima avait confiance en lui et lui demandait quelques petits services. Fatoumata ne le rencontrait pas souvent ; un jour, après l'avoir vu, elle dit à son mari : - Ce jeune homme ressemble beaucoup à mon frère Guéladyo, je ne crois pas que ce soit lui, mais ils se ressemblent. - Ton frère, lui répond Ibrahima, est mort depuis un mois, il n'existe plus que dans l'autre monde. Ne m'en reparle plus, ne me cite plus ce nom si tu veux que nous restions ensemble... », Et il interroge son berger : - Hammadi, connais-tu Guéladyo, fils de Ham Bodedyo Yelle Paté, ou as-tu au moins entendu parler de lui ? - Oui, je ne l'ai pas connu, mais j'ai entendu parler de lui. J'ai appris qu'il était très brave, mais qu'il a été tué par toi
Ibrahima Ngurari qui a épousé sa soeur il y a un mois. Ibrahima Ngurari éclate d'un grand rire de joie. Un jour il dit au palefrenier de monter le cheval et de le promener. Hammadi monte en selle et va se promener à travers le village voisin, chaque jour, pendant un mois.
Guéladyo décide alors de se venger. Un jour qu'il avait ses armes et ses gris-gris, dans sa selle - il montait en général sans selle, mais il l'avait ce jour là - une commission du chef l'envoya dans un autre village. Avant d'y parvenir il ouvre sa selle et examine toutes ses armes, ainsi que ses gri-gris : chaque gri-gris saute de lui-même à la place où Guéladyo le mettait auparavant. - C'est là ma place, disait chaque gris-gris.
Guéladyo était sûr de son affaire. Il avait toujours bien servi Ibrahima et ne manquait jamais de rentrer au jour qu'on le lui avait ordonné. Mais cette fois, au lieu de rester parti deux jours, il reste quatre. Pendant tout ce temps, il se prépare. En revenant il rencontre dix hommes envoyés à sa Recherche, avec des cravaches, par Ibrahima Ngurari. Dès qu'ils le voient, ils l'insultent mais il ne répond pas. Ils le cravachent, lui donnent des coups de poing, le roulent par terre. Guéladyo se laisse faire, ne voulant pas se faire reconnaître en pleine brousse : les hommes auraient fui. Il se laisse escorter jusqu'à cinq-cent mètres du village. Là, il leur dit : - Vous, envoyés d'Ibrahima, vous m'avez battu et traîné à terre, sans savoir qui je suis. Connaissez-vous Guéladyo ? Connaissez-vous cet homme que votre roi a fait tuer pour épouser sa sœur ? ou plutôt que sa sœur a fait tuer pour épouser Ihrahima ? Connaissez-vous cet homme que tout le Macina redoute, Peul ou Bambara ? Connaissez-vous ce revenant, hier palefrenier d'lbrahima, aujourd'hui son ennemi et peut-être son maître.
A la grande frayeur des dix Bambara, il en tue cinq, coupe à l'un des survivants le bras droit, à un autre le gauche, une jambe au troisième, au quatrième le nez, au cinquième l'oreille, et leur dit d'aller saluer Ibrahima de la part de Guéladyo : - Qu'il réunisse son armée et se prépare à recevoir un ennemi terrible et invincible.
Ibrahima voit revenir ses envoyés dans un état lamentable : - Que vous est-il arrivé ?
Mais ont tellement peur qu'ils ne peuvent dire que ces quelques mots : - Ton, palefrenier, c'est Guéladyo.
Alors Ibrahima est saisi d'une grande frayeur et d'une grande inquiétude. Il réunit son armée. Cette fois plus de trente mille hommes luttent contre le seul Guéladyo, mais Guéladyo, d'une main saisissant son sabre et de l'autre son revolver tue, tue et tue. Son cheval fait autant que lui. Il tue tant de fétichistes que lui-même se trouve baigné de sang. Le sang coagulé l'empêche d'ouvrir ses mains. Après quatre heures de combat, sur trente mille guerriers, il n'en reste plus huit mille. Or Guéladyo augmentait chaque minute de courage et de désir de tuer. Une heure de plus, et les huit mille survivants se sont dispersés. Il en avait capturé, les saisissant, les liant, et passant aux suivants... Il se dirige vers la concession d'Ibrahima qui s'était enfermé avec Fatoumata dans sa maison à étages. Guéladyo avait une telle soif de vengeance que son courroux augmentait sa force. En trois coups de pied, il brise le mur de la maison ; il y pénètre ; de lamentables, supplications l'accueillent. Mais Fatoumata Binta le reçoit à bras ouverts : elle pleurait, le louait, le flattait, pardonnait... Guéladyo la saisit ainsi qu'Ibrahima. Il leur rase la tête, les fait sortir, et, lentement, avec un couteau, il déchire le corps d'Ibrahima et le tue. Quant à Fatoumata, il lui demande si elle se rappelle ses propres paroles, le jour où elle l'a attaché à l'arbre. Elle s'en rappelle bien, mais se plaint, pleure; embrasse son frère... Mais Guéladyo, impitoyable, prend une corde, lie sa sœur au cou, aux pieds, l'attache à la queue de son cheval, et lance son cheval en pleine vitesse. Comme il en avait le pouvoir, il ordonne à la bête de ruer. La malheureuse femme recevait des ruades, se griffait aux épines, se cognait aux arbres... Le cheval le faisait exprès et sa fureur semblait vouloir venger son maître. Le cheval revient, et Fatoumata n'est pas encore morte ; de sa bouche s'échappent quelques paroles, prières, qu'on entend à peine.
Guéladyo fait alors élever un grand bûcher, l'allume, et commence de brûler sa sœur par le pied droit, puis le gauche, puis tout le corps...
Histoire de Hammadam-au-teint-clair et de Hammadi-le-noir Deux jeunes garçons avaient prêté serment de ne jamais se tromper l'un l'autre. L'un des deux camarades était le fils d'un grand chef, c'était Hammadam-au-teint-clair, l'autre seulement celui d'un homme de bonne famille, c'était Hammadi-le-noir.Dans une autre région, un chef de famille avait domestiqué un pou, qu'il gardait dans une calebasse. Mais le pou était si gros qu'il ne pouvait rester dans une calebasse ; l'homme le met alors dans une espèce de poulailler. Le pou grossit encore. L'homme le place dans une case de vannerie comme en ont les femmes . Le pou grossit, la case éclate. L'homme met le pou dans une grande case d'homme, aux murs de banco. Quand le pou a rempli la case, l'homme l'égorge. Ce pou avait été domestiqué sans qu'aucun membre de sa famille, femme, fils ou fille, ne le sache, seul un de ses griots était au courant. L'homme et ce griot ont dépouillé ce pou, en ont gardé la peau et jeté la chair.
L'homme avait une fille très belle, réputée comme telle dans tout le pays. Il annonça qu'il la donnerait en mariage à qui trouverait le nom de la peau qu'il avait étendue par terre.
La fille était d'une beauté presque surnaturelle. Le village se précipite sur la peau et chacun de citer à son tour le singe, le chimpanzé, le bœuf, la mouche, le koba, l'antilope, la biche, le chameau, la chèvre, etc... tous les animaux connus. Personne n'a trouvé, aucun habitant du village, et pourtant ils étaient tous venus. A cause de la taille du pou, on a dit l'éléphant, le buffle, mais nul n'a réussi.
C'est alors que les deux jeunes gens ont appris la nouvelle. Ils ont fait leurs adieux à leurs parents et sont partis quérir la main de la fille. En chemin, arrivés près d'un marigot, le fils du chef a dit à son camarade :- Je vais à la selle, va m'attendre près de ce marigot.
Il entre dans la brousse, et, par surprise, voit deux biches qui se prêtent un unique œil pour brouter. Le jeune homme attend ; au moment où les biches se le passaient, il vole l'œil, et ne bouge pas. Celle qui avait tendu l'oeil croyait que c'était sa camarade qui l'avait.
La deuxième biche dit :- Mais donne-moi l'œil. - Mais je te l'ai donné.- Mais je ne l'ai pas reçu. - Ah quelqu'un nous l'a volé.
Elles en restent longtemps stupides, enfin la première biche dit :- Que celui qui a pris notre œil nous le rende, nous lui dirons ce qu'il désire. Nous lui dirons le nom de la peau.- C'est moi qui ai l'œil, répond Hammadam-au-teint-clair, mais dites-moi tout avant que je ne vous le rende.- Non dit la biche, rends-nous d'abord l'oeil, je ne te mentirai pas et je te dirai tout.
Le jeune homme a rendu l'œil. La biche lui dit : - Tu es en compagnie d'un grand ami. Tu as prêté serment de ne pas le tromper. Vous allez chercher une très belle fille, dont le prix est seulement de dire le nom d'une peau qu'on va vous montrer. Je vais te dire le nom de cette peau. Mais, quelle que soit l'amitié existant entre toi et ton ami, ne lui révèle pas que je te l'ai dit. Sinon tu mourras sur le champ. Hammadam accepte, et la biche ajoute : - Tu diras d'abord le nom de cinq autres animaux, en sixième lieu tu diras : c'est la peau d'un pou. Tu auras la fille, mais il ne faut parler à personne.
Hammadam-au-teint-clair rejoint son camarade. Ils arrivent le soir au village de la jeune fille, ils disent le but de leur voyage. On les loge jusqu'au matin. Le père de la jeune fille appelle tous les habitants du village, il étend la peau devant les étrangers et leur dit :- A celui qui dira le nom de cette peau, on va donner la fille. Le fils du chef dit à son camarade de commencer, celui-ci répond :- A toi l'honneur.
Ils se contredisent quelques instants, enfin Hammadi-le-noir commence à citer le nom de tous les animaux qu'il connaît, sans trouver. A son le fils du chef va soigneusement examiner la peau revient s'asseoir, regarde le ciel l'air pensif, et commence par la peau de l'éléphant, celle du buffle, du chameau, de la girafe, de l'antilope koba, enfin il dit : - C'est la peau d'un pou.
Tout le monde crie, on tape la tabala. La fille est à lui. Le père réunit les vieux, le mari achète des kolas, la
cérémonie du mariage est célébrée. Les nouveaux époux passent la nuit, et le lendemain le village entier les accompagne un moment sur la route. Puis, il ne reste plus avec Hammadam-au-teint-clair et sa femme que son camarade Hammadi-le-noir. Arrivés au marigot, celui-ci dit à Hamamadam : - Nous avons juré de ne pas nous tromper, mais tu es le premier à le faire, je sais que tu es chanceux, mais pas à ce point là. Tu le savais, on te l'avait dit. J'allais bien te laisser dire le nom de la peau, mais il aurait mieux valu m'avertir. Les reproches n'étaient pas vifs et, se voyant dans l'erreur, le fils du chef, par dignité, avait décidé de raconter à son ami ce qui lui était, arrivé. Mais il lui dit :- Quand j'aurai fini de te raconter mon. aventure, je mourrai.
Son camarade répond :- Je ne te conseille pas de mourir, mais je sais que si j'étais à ta place je n'écouterais pas de pareils boniments.
Ils étaient juste arrivés à l'endroit où Hammadam était rentré dans la brousse. Hammadi ajoute :- D'ailleurs, sois certain que même si tu meurs je ne t'abandonnerai pas, je mourrai avec ta femme.
Le fils du chef lui dit : - C'est l'autre jour, ici même. J'ai trouvé deux biches qui, pour se nourrir, se prêtaient un oeil unique. Au moment où elles se le passaient, je l'ai pris. Une des biches a dit à l'autre « donne-moi l'œil » alors que l'autre croyait que la première l'avait reçu. Une des biches a alors dit « que celui qui a pris notre œil nous le rende, nous lui dirons ce qu'il veut », et une biche a ajouté qu'il allait chercher une femme et que, le prix de cette femme c'était de dire le nom de la peau étendue devant la porte de son père. Mais la biche lui a conseillé de ne parler de cela à personne, pas même à son bon camarade qui l'accompagne. Elle lui a dit de commencer par l'éléphant et de dire en sixième lieu « c'est la peau d'un pou ». Dès que le fils du chef a terminé son récit, il meurt.La femme était un peu en avant, Hammadi l'appelle et lui dit que son mari est mort, que faire ? Hammadi reste là à pleurer, il veut tuer la femme et se tuer lui-même, mais la destinée l'en empêche. Ils restent là deux jours sans manger ni boire, à surveiller le cadavre qu'ils n'enterrent pas. Souvent il disait à la lemme :
- Ton mari est mort, nous deux nous mourrons ici, à moins d'une chance surnaturelle.
Le troisième jour les vautours viennent, et veulent manger le cadavre. Le premier qui le tente est tué, car Hammadi-le-noir avait coupé des bâtons pour empêcher tout animal de manger le cadavre de son ami. Plus de cent cinquante vautours sont venus, qui ont été tués de la même manière, pendant sept jours. Le huitième jour, le maître des vautours est venu, avec trois compagnons. Il était pâle et déplumé, Il avait la tête blanche (les vautours ne meurent pas d'eux-mêmes, il faut, comme les hyènes, qu'ils soient tués). Voyant que tous ses camarades ont été tués, il interdit à ses trois compagnons de descendre, et lui seul le fait.Hammadi a perdu connaissance, il est presque à la mort, mais il voit quand même qu'en descendant le maître charognard sort un petit sac duquel il tire un charme fait d'une espèce de queue poilue ; il se prépare. Le charognard a touché de son charme un charognard mort, et celui-ci s'est levé... ainsi le maître charognard a fait revivre ses cent cinquante compagnons. Au moment où ce maître charognard prenait son élan pour remonter vers le ciel, Hammadi a lancé son bâton, qui a touché le charognard juste là où était accroché son sac. Le charme est tombé. Hammadi se précipite dessus, il sort la queue, il va en frapper son camarade qui se lève brusquement et lui dit : - Je t'ai trompé et tu m'as rendu la vie. Je te prie de me dire tout ce que tu veux. Je le ferai, même s'il faut détrôner mon père ; te donner la chefferie, de l'or, des boeufs, des captifs, je suis prêt à te servir.
Mais Hammadi lui répond :- Non, tu ne pourras pas faire ce que je te demande, c'est inutile de me le promettre. D'ailleurs, ne reparlons plus de ce qui s'est passé entre nous.
Les deux jeunes hommes rentrent dans leur village et y sont accueillis par tous les habitants. Le fils du chef continue à demander à son camarade quel service il peut lui, rendre. Il le lui demande tous les jours. Un jour, Hammadi lui répond : - Puisque tu m'as fatigué à me demander ce que je veux, je vais voir si tu as le courage de me servir. Je te dis depuis longtemps que tu ne pourras pas le faire. Tu me contredis. Je vais te le dire aujourd'hui. Je voudrais que tu me mettes en relation d'amour avec la femme que ton père vient d'épouser, il y a une semaine... Si tu fais cela sans que cela crée d'histoire, tu auras effacé tout le bienfait que je t'ai fait.
Le fils du chef était bien embarrassé, puisqu'il s'agissait de sa belle-mère. Or, chez les Peul, parler d'amour à la femme de son père, c'est quelque chose de terrible. C'est une malédiction, un déshonneur qui porte malheur. Et le fait que son père était craint empirait encore les choses : son père était un grand roi. Hammadan a essayé pendant une semaine. Mais il hésite ; à chaque fois il a peur et honte devant la femme. Un jour il lui dit :- Belle-mère, je voudrais vous dire quelque chose, mais sachez que si je vous le dis, c'est que je me trouve dans une pénible situation. Mon ami m'envoie vous demander d'être son amante. C'est lui, vous l'avez sûrement appris, qui m'a sauvé la vie. Pour sa récompense il m'envoie chez vous. A vous de sauver mon honneur ou de me faire honte.
La belle-mère, après quelques minutes de silence, lui réponds :- J'accepte, ton honneur est sauf, mais tu connais bien ton père.
Le jeune homme la remercie et va dire à son camarade qu'elle a accepté. Celui-ci lui répond : - Mais ce n'est pas fini. Va demander à ta belle-mère par quel signe elle me dira d'entrer ou non dans sa case, puisqu'elle passe parfois la nuit avec ton père et d'autres fois non.
Le fils du chef s'en retourne et interroge sa belle-mère. Celle-ci lui dit : - Va dire à ton camarade que le jour où il viendra qu'il regarde dans ce petit canari qui est près de ma case. S'il n'y trouve pas deux kolas, il n'a qu'à retourner chez lui. S'il trouve une seule noix, il est libre d'entrer dans ma case.
Le fils du chef est allé répéter ça à son camarade. Les relations entre la femme et Hammadi sont devenues très intimes. Il allait souvent la voir, quand il ne trouvait qu'une seule noix. Cela dura sept nuits. Mais un jour, par malheur, la femme donne à sa servante deux noix de kola à mettre dans le petit canari - le chef devait venir passer la nuit avec la femme - et la servante, au lieu de mettre les noix tout doucement dans le canari les jette, une seule noix est restée dedans, l'autre a roulé hors du canari. Dans la huit, le jeune Hammadi vient : il trouve une seule noix. Il entre dans la case. Il avait mis un pagne en écharpe autour de son cou, et portait au doigt une bague que la femme avait reçu de son mari. Tatonnant en cherchant le lit où le vieux était assis, il touche la barbe du vieux. Celui-ci se précipite sur sa main gauche et lui arrache son écharpe et sa bague. Le jeune homme a fui ; tremblant de peur, il a raconté l'histoire à son camarade et lui dit :- Je ne dis rien contre toi, tu as fait ton devoir, ta marâtre aussi. Mais un malheur est arrivé. Tu connais la fureur de ton père, je serai égorgé demain. Si tu as le pouvoir de me sauver, voilà l'occasion. Mais même si je suis égorgé, je sais que ce n'est ni de ta faute ni de celle de la femme.- J'attendais, répond le fils du chef, un jour comme celui-ci pour te montrer ma bravoure. Va te coucher et n'aies pas peur.
Hammadi n'a pas voulu quitter son ami. Il a passé la nuit avec lui. Vers minuit, Hammadan qui connaissait un endroit où un lion avait ses petits, y part armé de son sabre. Avec un courage surhumain, il attaque la lionne, furieusement. Il est blessé, mais il tue la lionne. Il prend un petit lion, le ramène chez lui dans la nuit. Son camarade ne savait rien de tout cela.
Au matin, le chef tape sa tabala. Tous les vieux et tous les hommes et toutes les femmes du village se réunissent. L'un après l'autre, il leur demande à qui appartient l'écharpe. Tous répondent que cette écharpe parait être celle du camarade de son fils :- Celui-là devrait être égorgé
On convoque le fils du chef et son camarade. Ils arrivent, et tous les regards sont tournés vers eux. Hammadi tremblait. C'était lui le suspect. Le chef lui demande si l'écharpe lui appartient et ce qu'il allait faire dans sa case la nuit. Il a déjà donné l'ordre à ses captifs de le coucher pour l'égorger. Mais entre temps son fils demande la parole, et on la lui accorde. Il dit à son père :- C'est mon camarade qui a été vous déranger cette nuit. Nous avions discuté hier la question suivante. Je lui ai dit « Je préfère me battre avec un lion ou même avec une lionne ayant des petits, plutôt que d'aller vous déranger chez vous la nuit. Lui a préféré aller vous déranger, plutôt que d'aller se battre avec un lion ou une lionne. Chacun de nous a promis de faire ce qu'il avait dit. Je lui ai dit que moi je partirai tuer la lionne que vous connaissez tous sur cette montagne et que je rapporterai son petit. J'ai tué la lionne, et le petit est dans ma case. Envoyez quelqu'un le chercher. Lui, il m'a demandé la bague d'une de vos femmes, pour
prouver qu'il a été là-bas et son écharpe. C'est pour cela qu'il a été toucher votre barbe et qu'il s'est laissé prendre par vous, en s'en allant, son écharpe et la bague de ma belle-mère ».
Le chef dit alors :- Apportez-moi d'abord le petit lion.
Des gens sont allés le chercher, l'ont amené, et tout le monde a vu le lionceau. Les gens ont claqué les mains de joie et le chef a dit : - C'est bien, je sais maintenant que vous me craignez, puisque vous me comparez à une lionne qui a eu des petits. Le jeune homme était sauvé.
Nyesi et NGaari Bambara Quelque temps après leur victoire sur NGari Bambara, Gueladyo et Samba Nyesi Nyesi sont allés rendre visite à Yeroyel Mama (grand-père) leur camarade. Celui-ci les reçoit très bien, égorge en leur honneur un taureau et un mouton, et ordonne à sa très belle épouse, Kumba Pul Debbo (debbo : femme, Kumba femme peule), de prendre bien soin des étrangers : « que rien ne leur manque ». A la tombée de la nuit, il recommande à Kumba Pul Debbo d'aller caresser les pieds de Gueladyo jusqu'à ce qu'il s'endorme, et de revenir ensuite chez lui son mari. Mais chaque fois que Kumba Pul Debbo dit au revoir à Gueladyo, celui-ci lui demande de rester quelques minutes... Le charme de Gueladyo a tant attiré la femme qu'à minuit, alors que Gueladyo dort, elle soulève ses pieds posés sur elle, et se couche à côté de lui. Ils passent la nuit ensemble. Au matin, Yeroyel Mama s'aperçoit que sa femme a passé la nuit ailleurs. Il va dire bonjour à son hôte, et voit sa femme derrière celui-ci. De fureur, ses moustaches se hérissent, ses cheveux se dressent sur la tête, et il renifle comme un taureau ; il va et vient entre sa case et celle de son hôte ; il veut entrer, mais à chaque fois trouve cela indigne de lui. La troisième fois qu'il arrive à la case de son hôte, il voit sa femme qui a chauffé de l'eau, faire la toilette de Gueladyo. Il attend que la toilette de l'étranger soit terminée pour lui parler :- Toi Gueladyo, tu oses passer la nuit avec Kumba Pul Debbo. Que tout le bonheur que je te souhaitais hier se change en malheur, voilà mon souhait d'aujourd'hui .
Gueladyo répond :- Je fais le même souhait en de qui te concerne. Si tu n'as pas peur, attends que je me prépare .
Yeroyel Mama, lui, était déjà armé. Gueladyo se prépare, monte comme Yeroyel Mama sur son cheval et lui dit :- Si tu es un homme brave et que tu n'as pas peur, tire sur moi, car c'est toi l'offensé.
Yeroyel Mama tire trois fois sur Gueladyo, mais aucune balle ne pénètre dans la chair de celui-ci. Yeroyel Mama dit à son tour : - On m'a dit que tu étais un homme brave du Macina, si tu n'as pas peur, à ton tour de tirer sur moi.
Chacun tire sur l'autre trois coups, par trois fois. Pendant ce temps, Samba Nyesi Nyesi arrive. Se plaçant entre les deux, il dit à Yeroyel Mama : - Yeroyel Mama, tu jouis au Macina d'une bonne renommée. Mais si le Macina apprend que tu as tué ton hôte, personne ne viendra plus te rendre visite. Quant à toi, Gueladyo, tu as quitté les tiens pour venir voir ton ami Yeroyel Mama. Si le Macina apprend que tu as tué ton hôte, qui te recevra encore ?
Si vous vous croyez tous les deux braves, si chacun de vous se croit le plus vaillant, le mieux protégé contre les balles et les coups de sabre, allez attaquer Daman Sori Yelle, le chef Bambara, qui, chaque année pille vos parents en leur réclamant des impôts.
Du coup, les deux ennemis se réconcilient et se serrent la main. Immédiatement, ils décident d'aller attaquer Daman Sori à Sa. Ils marchent pendant trois jours et arrivent le soir vers neuf heures ils s'installent à proximité du village, sous des arbres appelés dubale . Assis sur leurs sièges pliants au milieu de leurs bagages, Yeroyel Mama fait face à Sa, Gueladyo au contraire tourne le dos à la ville et Gueladyo jure que même si toute une armée arrive par derrière, il ne se retournera pas pour la regarder : quelqu'estime qu'il puisse avoir pour ce qui viendra par derrière, il ne tournera jamais la tête pour le voir
Ils avaient appris que Daman Sori Yelle avait une femme peule appelée Tenen Damanso qui ne sortait jamais de la maison à étage de Daman Sori. Pas même une mouche ne la voyait. Daman Sori et Tenen Damansa allaient ohaque matin palabrer avec les habitants sous d'autres dubale, et ne rentraient qu'à midi. Ils partaient. et revenaient toujours à la même heure.
Une fois installés, Gueladyo et son camarade Yeroyel Mama envoyent Samba Nyesi Nyesi chercher Tenen Damanso. Samba Nyesi Nyesi part sans peur, il ouvre sept portes, et, à la huitième, enfin, il voit Tenen Damanso. Celle-ci s'étonne de voir pour la première fois un homme autre que son mari. Samba Nyesi Nyesi s'explique : - Gueladyo, fils de Hammadi Hambodhedyo et Yeroyel Mama te saluent. Gueladyo m'envoie te dire qu'il est ton hôte et qu'il a besoin de te voir, Si tu n'as pas peur donne-moi un signe.
Tenen Damanso lui répond - Va dire à Gueladyo et à Yeroyel Mama que je les salue. Pour te prouver que j'irai les voir, je te donne cette bague d'or. J'attends le retour de mon mari pour aller rendre visite à Gueladyo.
Samba Nyesi Nyesi s'en retourne, il donne la bague à Gueladyo qui la met immédiatement à son doigt. Les jeunes gens attendent Tenen Damanso.
Daman Sori Yelle rentre à midi. Tenen le reçoit d'habitude les bras ouverts, mais ce jour-là, elle a l'air mécontent. Daman lui dit de lui apporter de l'eau, Tenen refuse. Daman l'appelle trois fois, elle ne répond pas. Daman lui demande si elle est malade, elle ne répond pas. Daman aimait tant Tenen que parce que celle-ci ne lui répond pas, il tombe évanoui. Quand Il est remis, Tenen lui dit tu dis : - Daman, tu dis que tu es un grand roi, tu dis que tu tueras qui se posera sur moi, fusse une mouche ; mais moi je pense le contraire : si depuis que je suis dans ta maison je n'ai pas fait un pas dehors. C'est que tu as peur de tes semblables, c'est-à-dire d'hommes aussi puissants que toi. De peur que l'on ne te prive de moi de force, tu crains que je sorte, car tu crois que si je sors une fois, quelqu'un te vaincra et m'emmènera avec lui.
Daman répond :- Aujourd'hui le te laisse libre, aussi loin que tu ailles ; mais sois certaine que je tuerai qui se posera sur toi, fusse une mouche.
Daman Sori appelle une servante pour accompagner Tenen. Damanso avec son siège d'or. Tenen, avec sa servante, se dirige vers le dubale où l'attendaient Gueladyo et Yeroyel Mama. Dès que Samba Nyesi Nyesi voit venir Tenen, il dit à Gueladyo : - Je crois bien que c'est Tenen que tu aimes plus que toi-même qui vient crois bien que là-bas.
Gueladyo lui dit : - Je le crois, elle nous trouvera.
Tenen s'approche, arrive, serre la main à tous, et se place entre Gueladyo et Yeroyel Mama, ne faisant face à aucun d'eux. Gueladyo pose son pied sur celui de Tenen et la conversation s'engage. La servante de Tenen tremble, voyant un homme jouer ainsi avec Tenen. Vers deux
heures elle dit à Tenen de rentrer, Tenen ne l'écoute pas ; trois fois elle le répète, Tenen n'écoute pas, elle continue de presser le pied de Gueladyo. La servante fait semblant d'aller à la selle, elle rentre dans la concession du chef et lui dit : - Daman Sori Yelle, grand roi des Bambara, connu par ta bravoure, Gueladyo et Yeroyel Mama, Peuls bien connus du Macina, t'ont pris aujourd'hui Tenen. Ils sont assis sous le dubale que tu connais bien, à l'est du village.
A la fin du récit de sa servante, Daman tombe à nouveau évanoui. Ses moustaches percent le mur de la maison, ses cheveux le toit, et sod soupir se fait entendre à travers tout le . village. Quand Tenen entend ce soupir, elle tremble d'effroi.
Daman Sori se relève, Il insulte tout le monde, fait taper sa tabala, prend tous ses charmes et ses armes, fait couper trois troncs de baobab et les pose devant la porte de son parc à chevaux. Enfin, tout le monde est prêt au combat, comme chaque fois que Daman tombe évanoui. On ouvre le parc à chevaux, les chevaux passent sur les baobabs. Ils sont si nombreux que leur piétinement coupe les trois troncs, et que la poussière qu'ils soulèvent obscurcit tout le ciel.
Daman se met à la tête de son armée. Quand Samba Nyesi Nyesi voit venir cette importante armée et la grande fureur de Daman Sori Yelle, il dit à Gueladyo. - La mort est inévitable ! Daman vient avec son armée, préparons nous.
Gueladyo lui dit : - De quel côté viennent Daman et son armée ? Si c'est par derrière, ils nous trouveront.
Et il ne détourne pas la tête une seule fois. Mais Tenen Damanso tremblait et suppliait. Gueladyo lui disait : - Si tu cesses de presser mon pied, je te coupe le cou. Je vois qui tu n'es pas pure femme peule. De quoi as-tu peur ? Ton mari n'est qu'un simple fétichiste, rien de plus.
Tenen pressait le pied de Gueladyo, mais sans le vouloir, pour se donner une contenance, pour faire quelque chose.
Daman arrive, il arrête son cheval au-dessus de la tête de Gueladyo. Celui-ci ne se retourne pas, quoique la bave du cheval tombe à un centimètre de lui. Daman lui dit : - Gueladyo, Daman Sori Yelle va te combattre aujourd'hui. Si tu trouves que les morts ont dîné, toi tu partiras dans leur monde sans rien manger .
Gueladyo répond :- Daman Sori, roi des fétichistes, Bambara buveur de vin, que tout ce qui faisait ton bonheur devienne ton malheur. Si tu n'as pas peur de moi, attends, que je me prépare.
Daman avait donné l'ordre à l'armée de ne rien faire pour le moment. Yeroyel Mama dit à Gueladyo :- Laisse-moi me battre avec ce fétichiste. Gueladyo, repose-toi près de Tenen Damanso.
Et il ajoute :- Daman, si tu n'as pas peur de moi, attends que je me prépare.
Quand il est armé, il dit à Daman :- A toi de tirer sur moi .
Daman tire sept coups sans l'atteindre, puis dit à son tour - Yeroyel Mama, à ton tour de tirer sur moi.
Yeroyel Mama tire sept coups. Mais les balles ne pénètrent pas. Daman Sori Yelle avait une arme qu'il avait hérité de son père, une arme fabuleuse.
Daman faisait tournoyer cette espèce de lance « gawal » comme une fronde, et Daman savait que nul n'oserait résister à cette arme, car en tournoyant, elle laissait échapper une grande lumière et un grand sifflement. Il prend
l'arme, la fait tourner trois fois : une lumière jaillit, un grand sifflement se fait entendre. Yeroyel Mama voit que si l'arme le touche il va mourir : il fait volte-face et s'enfuit. Daman le poursuit jusque dans sa concession. Quand les femmes de Yeroyel voient leur mari poursuivi par Daman Sori, elles vont à sa rencontre, se jettent à ses pieds et front contre terre, implorent leur pardon. Yeroyel Mama saute à cheval, par dessus la clôture. Là il s'arrête et les femmes de Yeroyel lui disent : - Tu chasses Yeroyel Mama jusque dans sa concession. Laisse-le, tu aurais honte de t'en retourner ensuite chez toi. On ne peut vouloir humilier un homme au point de le battre au milieu de sa famille.
Sans mot dire, Daman Sori retourne attaquer Gueladyo.
Cette fois, celui-ci le voit venir. Daman Sori lui dit :- Si tu trouves que les morts ont dîné déjà, tant pis pour toi, car me voilà.
Gueladyo répond :- Que tout ce qui faisait ton bonheur devienne ton malheur.
Si tu n'as pas peur, attends que je me prépare.
Quand il a fini de se préparer, laissant Tenen toujours tremblante, il dit à Daman Sori de tirer sur lui. Daman Sori tire sept coups sans résultat, puis lui dit :- A toi de tirer.
Gueladyo tire sept coups sur lui, et ne le touche pas. Alors Daman Sori reprend son arme terrible, il la balance trois fois, croyant que Gueladyo allait fuir comme Yeroyel Mama, il voit que Gueladyo ne s'en inquiète pas, alors il lance l'arme sur lui, mais Gueladyo avait deviné qu'il jetterait l'arme un peu bas pour tuer son cheval et le capturer vivant, aussi fait-il sauter son cheval très haut, plus haut que le septième ciel ; l'arme le rate et va tomber à un kilomètre, où Gueladyo arrive le premier et la ramasse, puis dit à Daman Sori Yelle :- C'est toi qui sait ce que tu as mis dans ta lance. Si tu trouves que les morts ont dîné, tant pis pour toi. Tu verras 4ujourd'hui qu'être malin vaut deux qu'être courageux ». Il tourne trois fois l'arme, qui laisse échapper une grande lumière et un sifflement et la jette sur Daman Sori : l'armé va occuper la bride du cheval et tomber derrière. Cette fois Daman la ramasse et dit à Gueladyo « Prends bien ta position, si tu trouves que les morts ont déjà dîné, tant pis pour toi et trois fois il fait tournoyer son arme d'où s'échappent une grande lumière et un grand sifflement. Cette fois, au lieu de viser le cheval, Daman vise un peu plus haut, Gueladyo lui-même. Mais celui-ci l'a encore deviné et au moment où Daman jette la lance. Il fait coucher son cheval : l'arme passe au-dessus de sa tête et va tomber derrière lui. Il la ramasse à nouveau et dit Daman Sori, c'est toi qui sais ce que tu as mis dans ta lance, je te ferai savoir qu'être malin vaut mieux qu'être courageux.
Daman Sori a voulu imiter Gueladyo et faire coucher son cheval, mais il n'était pas bon cavalier. Gueladyo tourne rapidement la lance, deux fois, faisant semblant de la flatter. Daman fait coucher son cheval. Au troisième coup, Gueladyo, après avoir visé, lance l'arme, elle tombe sur la poitrine de Daman, qui roule, en deux morceaux.Pendant tout le temps du combat, les autres guerriers l'avaient regardé. Dès que Daman tombe, Samba Nyesi Nyesi prend son sabre, lui coupe le cou et met la tête dans un panier. Alors Gueladyo interroge Tenen : - Qui est ton mari ?- C'est toi, répond Tenen. Il se tourne alors vers les guerriers :- Qui est votre roi ? C'est toi, répondent les guerriers. - Qui est votre roi ? C'est toi.Gueladyo met Tenen sur son cheval, Samba Nyesi Nyesi monte sur le sien, ils désignent un successeur au chef bambara, et prennent le chemin du retour. Gueladyo arrive à la concession Yeroyel Mama. Dès que les femmes le voient venir, elles vont à sa rencontre, se jettent front contre terre. Gueladyo s'adresse à Yeroyel Mama : - Inutile de me demander pardon. Voilà Tenen Damanso, je te la donne en mariage ; et voilà la tête de Daman Sori, brûle-la dans un grand brasier.Mais Yeroyel Mama refuse :- Gueladyo, je n'oserai épouser Tenen Damanso ; l'ombre de Daman suffirait à me faire mourir ; à plus forte raison si tu me donnes sa tête, si je la brûle elle reviendra un jour me tuer.
Le chat et les souris Le chat trompe les souris : il fait le mort, alors les souris se promènent partout dans la maison, une souris monte même sur le chat, elle redescend et va dire au chef des souris : - « Notre ennemi le chat est mort ».
Le chat n'est pas mort, il fait le mort. Le chef des souris vient, lui aussi monte sur le chat et dit :- « C'est vrai, le chat est mort ». Il dit aux souris : - Un chef ne doit pas danser. Attachez-moi avant de danser la mort du chat, sinon je danserai.
On attache le chef des souris, puis toutes les souris se mettent à danser. - Notre grand ennemi le chat est mort. Dansons autant que nous le pouvons.
Les souris dansent, le chef des souris regarde le chat mort. Mais la danse des souris amuse le chat, et l'intéresse : il ouvre un œil. Le chef des souris voit cet œil, il dit aux souris : - Détachez-moi, je ne suis pas sûr de ce mort-là : un mort qui ouvre de temps en temps les yeux.
Alors les souris prennent la fuite, il n'y a pas une seule souris brave, pour vite détacher le chef. Toutes les souris courent vite se cacher dans leur caverne. Le chat se lève et, tenant le chef des souris, lui dit : - C'est toi que j'ai chassé, et je ne t'ai pas attrapé. Tu as peur de la mort, mais tu mourras aujourd'hui. Il ne suffit pas d'être peureux.
Et il ajoute : - Depuis que j'ai commencé à manger des souris, je n'ai pas encore mangé de chef des souris. Et bien toi, aujourd'hui je te mangerai.
La souris a eu beau pleurer, le chat l'a dévorée.
Où le lapin trompe, l'éléphant et l'hippopotame Le lapin a pris une corde et a dit à l'éléphant :- Qui, de nous deux, est le plus fort, toi ou moi ?
L'éléphant répond :- Comment ? Toi ? C'est moi. Qu'est-ce que tu dis, tu crois que je n'ai pas de force ? Tu es trop petit lapin. Tu ne vois pas comme je suis gros et fort ? Tu ne vois pas, toi lapin ! Même l'herbe est plus haute que toi. - Bien, essayons. On va voir si tu es plus fort que moi.
Le lapin prend une corde, l'attache au pied de l'éléphant, puis il va au bord du fleuve et dit à l'hippopotame : - De nous deux, qui est le plus fort ? - Moi, répond l'hippopotame. - Alors dit le lapin, essayons.
Il attache l'hippopotame au pied et lui dit :- Je vais dans l'eau. Quand je remuerai la corde, commence à tirer.
Il repart trouver l'éléphant et lui dit :- Je vais dans l'eau. Quand je remuerai la corde, tu n'as qu'à, commencer à tirer.
Le lapin remue la corde, l'éléphant tire. Il tire l'hippopotame jusqu'à le faire sortir de l'eau. Alors l'hippopotame « prend un cœur sévère, » il tire l'éléphant jusqu'à l'amener dans l'eau. L'éléphant à son tour « prend un cœur sévère » ; il tire l'hippopotame jusqu'à le faire sortir de l'eau. L'hippopotame court voir si c'est un éléphant qui le tire comme çà. Il trouve l'éléphant et lui dit : - Comment éléphant, c'est toi qui me tirais comme ça ? - Comment hippopotame, c'est toi qui me tirais comme çà ? C'est le lapin, dit l'hippopotame à l'éléphant, qui nous a trompés .
C'est pourquoi jusqu'à présent, quand l'éléphant et l'hippopotame se promènent et qu'ils voient du feuillage, ils le piétinent ils croient que le lapin est là et veulent le tuer.
L'hirondelle (bilbile) et la hyène (fowru) Une hyène disait :- Je demande à Dieu de m'envoyer un étranger rapide. Une hirondelle l'a entendu parler et se dit : - Eh bien moi, j'irai chez toi, je suis, un étranger rapide. L'hirondelle va chez l'hyène et lui dit : - Tu as un étranger.
L'hyène cuit un repas, réunit tous ses fils et leur dit :- Venez manger avec l'étranger.
Mais avant que tous les fils soient réunis, l'hirondelle, pressée, a fini de manger le repas. Quand l'hyène ouvre le plat, il est vide l'hirondelle a tout mangé.
Au bout de deux ou trois jours, l'hyène dit : - Cet étranger est très mauvais. Il veut nous faire mourir de faim. Cuisons maintenant un repas que l'étranger ne mangera pas.
L'hyène porte le repas près d'un rônier, pour faire un sacrifice, afin qu'ils puissent le manger seuls. Le repas cuit, l'hyène veut fermer la calebasse, mais l'hirondelle se pose sur le riz ; alors l'hyène pose le couvercle par-dessus l'hirondelle. Le sacrifice et la demande finis, l'hyène appelle ses fils :- Venez que nous mangions.
L'hyène ouvre le plat, l'hirondelle s'échappe, le plat est vide. L'hirondelle se pose sur la tête de la femme de l'hyène, qui dit à sa femme : - Attention, je vais tuer ce mauvais étranger qui veut nous tuer.
L'hyène va chercher un gros bâton : - Penche la tête, je veux tuer aujourd'hui cet étranger.
L'hyène lève son bâton, l'hirondelle s'envole, et l'hyène brise la tête de sa femme. L'hyène dit :- Ah c'est curieux, j'ai tué ma femme.
L'hirondelle va. se poser sur la tête de son premier fils. - Quoi, c'est encore l'étranger sur ta tête. Penche-toi, je crois que cette fois-ci je vais le tuer. L'hyène veut frapper l'hirondelle, elle s'envole, l'hyène écrase la tête de son fils :- Ah c'est étonnant, j'ai perdu ma famille. Quoi ! Si je rencontre cette hirondelle qui a exterminé ma famille, à nous deux maintenant. ».
Il dit, et l'hirondelle est sur sa tête et le mord. L'hyène tâte, sent que c'est encore l'hirondelle et rit - Ha, ha, ma famille est finie. Mais tu es sur ma tête, très bien, on va voir.
Sous le rônier, il. y avait un caillou - Maintenant pour tuer cette hirondelle, je vais monter.
En montant, l'hyène touche l'hirondelle pour s'assurer qu'elle n'est pas partie. Arrivée au sommet du rônier, l'hyène touche de nouveau l'hirondelle :- Ha, ha, tu es encore là.
L'hyène penche sa tête, lâche le rônier pour briser l'hirondelle en tombant. L'hyène est tombée, sa tête s'est brisée. L'hirondelle s'est encore envolée.
Dembaru, Giddyam et Batyi Dembaru l'hyène 1 habitait une brousse entre deux villages distants d'un jour démarche. Il était interdit d'y passer entre le crépuscule et le lever du soleil.
Deux jeunes gens s'aimaient : chaque jour le jeune homme part de chez lui, traverse la brousse, et va retrouver la jeune fille chez ses parents. Il part le matin vers sept heures et revient le soir vers six heures et demi.. Il fait ce trajet chaque jour pendant un an, toujours accompagné d'un de ses meilleurs amis. La jeune fille le reçoit aussi bien qu'elle le peut. Ils sont inséparablement unis.
Un jour le jeune homme demande à la fille si elle ne peut pas lui rendre visite. La fille répond qu'elle veut bien, mais ses parents s'opposent à ce projet, sous prétexte qu'elle est encore jeune, qu'elle ne peut faire cette route en un seul jour, et que Dembaru est encore redoutable. Cependant la fille se rend si bien compte que le jeune homme s'est beaucoup fatigué à cause d'elle et qu'il lui est tout dévoué qu'un jour elle veut aller chez lui. Elle se prépare bien, mais ses parents s'opposent à son départ. Comme elle l'avait promis à ses camarades et à son amant, pour ne pas être traitée de trompeuse et manquer de parole, elle attend le soir pour s'en aller en cachette de ses parents ; elle préfère être mangée par la hyène plutôt que faillir à sa promesse. Le soir, elle prend une ferme décision et s'engage dans la forêt. Dès qu'elle y pénètre, la fureur de Dembaru fait coucher tous les arbres, obscurcit le ciel et soulève un grand vent. La jeune fille n'a quand même pas peur, mais sa servante s'est effrayée, et s'en est retournée. Dembaru, en quelques minutes, va trois fois d'un village à l'autre, et saisit vivement la fille et l'interroge :- Sais-tu si, pendant la nuit, je suis le maître de la forêt ? Veux-tu ternir ma réputation et te montrer plus courageuse que moi ? Je te dévore en un clin d'oeil si tu ne me promets trois choses
La fille prend le temps de s'expliquer :- J'ai un ami qui m'aime beaucoup. Chaque jour, pendant un an, il a parcouru le trajet entre les deux villages et il a été tout pour moi. Je lui ai promis d'aller aujourd'hui chez lui. Mes parents m'en ont empêchée. J'ai préféré risquer d'être mangée par toi, si tu n'as pas pitié de moi, mais j'accepte toutes propositions que tu me feras, sachant que tu es le maître de cette brousse et n'ignorant pas ton histoire.
Dembaru l'hyène lui dit : - Si on te demande au village comment tu as passé, que vas-tu répondre ? La fille répond tout ce que la hyène lui dira de dire elle le dira.- Bon, je, te défends de dire que tu as rencontré Dembaru, je te défends de dire que tu as parlé avec Dembaru, je te. défends de dire que tu as traversé la brousse de Dembaru. Si tu me promets de ne pas dire ces choses, même à ton amant, je te ferais arriver immédiatement chez lui. Mais si par hasard, par amour de ton amant, tu arrives à le lui raconter, avant de terminer ta première parole, tu mourras sur le champ, et moi j'irai te déterrer. Je te rendrai vivante à nouveau, je te redemanderai les promesses auxquelles tu auras manqué, et je vous mangerai, toi et ta famille par surcroît.
La fille jure de ne rien dire à personne, et se voit en une minute devant la porte de son amant, qui s'appelait Gyidyam.
Gyidyam était absent, la fille trouve Batyi, son camarade, à qui elle raconte le but de son voyage. Mais il s'intéressait surtout à la manière dont elle avait réussi à franchir de nuit la forêt sans être mangée par la hyène ; il l'interroge, mais elle ne veut pas le lui dire. Pensif le jeune homme va prévenir Gyidyam qui ne croyait plus qu'elle viendrait, puisqu'il faisait déjà nuit, et lui dit qu'il lui a demandé comment elle a réussi à venir, mais qu'elle ne lui a rien expliqué.
Avant que Batyi ne revienne, la fille a fini de préparer un grand plat.
Gyidyam la salue, et lui demande des nouvelles de ses parents. Elle présente son plat, mais son amant lui dit qu'il ne le mangera pas tant qu'elle ne lui dira pas comment elle est venue. La fille se trouve très embarrassée, et dit à son amant qu'il ne faut pas lui poser de telles questions, autrement un grand malheur les atteindra : il n'y a qu'à parler d'autre chose. Le jeune homme répond qu'il pourra toujours éloigner ce malheur. La fille a fini par lui faire une telle pitié que les garçons ont mangé son plat. Mais le plat terminé, ils ont recommencé leurs questions. La fille ne voulait rien leur dire. Gyidyam lui dit - Je ne te croyais pas ainsi. Je croyais qu'à cause de notre amour tu devais me raconter même ce qui te fait mourir.
Et au même instant Batyi dit au revoir et, mécontent, part se coucher.
Gyidyam et la fille restent seuls. Il lui dit : - Comme tu n'es pas sincère, je ne passerai pas la nuit avec toi tant que tu ne parleras pas. Je sais maintenant que tu ne m'aimes pas.
La fille répond : - Tu dis que je ne t'aime plus, que je ne suis pas sincère, tu veux que je te dise une chose qui te portera malheur. Je te le dirai maintenant, mais je te fais savoir ceci : je te préviens que si je te dis la chose je mourrai sur le champ, c'est certain. Aucun médicament n'y peut rien. A toi de partager ma mort et ma vie.
Le jeune homme dit qu'il sait que rien ne pourra tuer la jeune fille, là où ils sont. - Ecoute, dit la fille, je t'avais promis de venir aujourd'hui. Je suis partie de bonne heure, mais mes parents m'ont retenue. J'ai seulement pu partir le soir, pour ne pas être vue. J'ai rencontré Dembaru, son souffle a couché les arbres, le ciel s'est obscurci, mais je préférais toujours mourir à te mentir. Dembaru a eu pitié de moi ; il m'a demandé de promettre de ne dire à personne que je l'avais vu et m'a affirmé que si je le disais, même à toi, je mourrais sur le champ, et qu'après mon enterrement il viendrait me déterrer, me ferait revivre, me redemanderait pourquoi j'ai parlé, pourquoi j'ai manqué à mes promesses, me mangerait ensuite ainsi que toute ma famille. Tu comprends maintenant le mystère. Au revoir.
Sur le champ, elle meurt.
Gyidyam a maintenant peur, il n'a plus sa tête, il va réveiller Batyi, lui raconter l'histoire que lui a narrée son amante, et il se demande quoi faire de son cadavre : le rapporter cette même nuit à ses parents, ou l'enterrer ici même, et quoi dire ? Après quelques minutes d'amères pensées, Batyi lui dit : - Ecoute-moi bien, enterrons la fille, et je te montrerai aujourd'hui qu'un bon ami vaut mieux qu'une méchante mère.
Ils enterrent la fille, après quoi Batyi dit : - Cherche-moi un fusil, de la poudre, des balles; s'il plait à Dieu, je te rendrai ton amante vivante.
Gyidyam avait un fusil ; il va le chercher, prend de la poudre et deux balles. Batyi dit à Gyidyam :
- Puisque la hyène a dit qu'elle la déterrerait et la ferait revivre, je profiterai de ce moment pour te rendre ton amante. Toi, Gyidyam, va au village, et au premier coup de fusil, viens à mon secours. Gyidyam a tenu à rester et a promis de tuer lui-même la hyène, mais Batyi n'a pas accepté finalement., Gyidyam est rentré, mais il ne pouvait rester tranquille, il est allé chercher lui aussi un fusil. A la mort de la fille, la hyène avait appris son ingratitude. Elle va au cimetière et commence à la déterrer. Mais Batyi était, avec sang froid, resté là en bonne position. Au moment où la hyène interroge la fille redevenue vivante, Batyi vise soigneusement, un fracas de tonnerre éclate, la hyène est renversée et Batyi et Gyidyam arrivent en même temps sur l'animal, lui donnant des coups de sabre de tous les côtés. Alors une grande joie s'empare de la fille, les paroles s'entrecroisent, exprimant la fierté, l'amour propre, les regrets, etc.
Kumba Firdi Dyona Kumba Firdi Dyona filait si vite qu'aucun tisserand n'arrivait à finir de tisser son fil. Le chef de son village dit :- L'homme qui parviendra à finir de tisser le fil de Kumba Firdi Dyona l'épousera.
Il a réuni une centaine de tisserands . Tous ont tissé le fil de Kumba Firdi Dyona, mais ils n'ont pu le terminer. Alors le chef a appelé deux griots, leur a donné un cheval, un boubou, un pantalon et un bonnet brodé :- Allez, leur a-t-il dit, vous promener par le monde, trouvez-moi un tisserand qui puisse finir le fil de Kumba Firdi Dyona.
Ils se sont promenés pendant deux années. La troisième, ils ont rencontré un pauvre récolteur de vin de rônier, qui leur a demandé où ils allaient. Les griots ont répondu : - Nous cherchons un homme qui sache tisser. Il y a une femme dans notre pays, dont on ne finit jamais de tisser le fil. - Moi aussi, dit l'homme, j'ai un métier à tisser, mais moi, je n'ai pas vu de femme qui ait tant de courage que je ne finisse pas de tisser son fil. Partons ensemble.
Les griots lui disent : - Tu ne partiras pas à pied, voilà le cheval le boubou, le pantalon et le bonnet brodé. Monte.
L'homme prend le cheval, le monte. Les griots chantent ses louanges : - Samba Ballaba, sur ce cheval, se vante : moi je suis un tisserand habile, et vous le verrez quand nous serons arrivés. Arrivés près du village, le chef les aperçoit au loin, il va à leur rencontre, et leur demande où ils ont trouvé un tisserand habile.- Nous avons trouvé ce tisserand en train de récolter le vin du rônier. Il nous a dit qu'il est aussi un tisserand habile.
Et le tisserand dit au chef :- Tu vois comme je suis maigre, mais il ne faut pas me plaindre, il y a un dyina dans ce métier.Alors on fait venir Kumba Firdi Dyona. Kumba Firdi Dyona apporte son fil. Le chef montre ce fil à Samba Baba'laba. Samba Baba'laba dit :- Comment, c'est ce fil là ? Vous me faites rire, ce fil là n'est rien.
Et il dit au chef d'aller chercher l'animal qui court le plus vite.
On amène un cynhyène. Alors Samba Baba'laba dit :- Que le cynhyène regarde à droite et à gauche en courant, il ne pourra pas suivre le fil.
Et il dit au chef : - Qu'on m'apporte une hyène de neuf ans.
On lui apporte une hyène de neuf ans. Il dit au chef : - Qu'on me donne un boeuf à tuer.
Et à l'hyène : - C'est pour nous deux le bœuf. Je vais t'expliquer ce que je voudrais. Je vais commencer à tisser. Je voudrais que tu suives ce fil là, pour montrer aux gens que je sais tisser.
Alors on est allé attacher l'hyène près de la bobine de fil. Les tisserands commencent à tisser, l'hyène aussi commencer
à courir, pour attraper le fil avant qu'il ne soit tissé. Samba Baba'laba commence à tisser, l'hyène voulait arriver avant le fil jusqu'à Samba. Elle a couru tant qu'elle s'est brisé les pattes, et Samba a fini de tisser le fil. On rejoint l'hyène. Samba lui dit :- Ce n'est pas toi seulement, tous les animaux qui courent n'arriveront pas à attraper mon fil.
Quand il a fini de tisser, le chef le remercie. Kumba Firdi Dyona était toujours fille, elle dit au chef : - Aujourd'hui, je serai mariée. Tu me donneras à cet homme. Lui seul a fini de tisser mon fil, il est le seul qui puisse m'épouser, et qui m'épousera.]
Le courageux fils de chef Un chef avait un fils très courageux, que rien n'étonnait, que rien n'inquiétait, et qui recherchait toujours les aventures, et tout ce qui pourrait le surprendre ou l'inquiéter. Il quitta sa famille pour aller chercher aventure. Il alla dans tout le pays et ne vit rien d'étonnant. Toutes les choses lui semblaient pareilles. Il va trouver un marabout cordonnier, qui prédisait l'avenir avec justesse. Il lui demanda de lui indiquer un lieu où il pourrait rencontrer des choses étonnantes. Le marabout lui répond qu'il est incapable et lui dit d'aller trouver un certain forgeron. Le jeune homme y va, le forgeron lui répond la même chose et lui indique un autre marabout. Le jeune homme va le trouver : - Je veux bien, lui dit celui-là, t'indiquer un lieu où tu seras étonné, mais à condition que tu sois courageux.
Le jeune homme sourit et répond : - Indique-moi seulement ce lieu.
Le marabout lui montre une montagne, habitée par un grand dyina, et lui dit : - Si tu as le courage d'aller consulter le dyina, ce dyina est capable de te procurer des aventures telles que tu n'en as jamais vu, ni même entendu parler. Je te conseille d'abord de laisser ton suivant chez moi, d'aller seul voir le dyina, et de n'y aller qu'au milieu de la nuit. Pour y aller il faut te déshabiller complètement, ne pas même laisser un morceau de fil sur ton corps. Ainsi le dyina ne s'irritera pas en voyant venir à lui un pauvre inconnu. A minuit le jeune homme se déshabille complètement et va trouver le dyina, qui le reçoit très amicalement, avec un air de le prendre en pitié, lui disant : - Je te souhaite la bienvenue. Tu es chez toi. Je veux seulement te dire quel est le but de ton voyage : tu es le fils d'un grand roi, tu as du courage, tu cherches des aventures, tu as consulté trois grands marabouts pour qu'ils t'en procurent, ils en ont été incapables ; le dernier t'a dit de venir chez moi. Je te prouverai que je suis un grand dyina, et l'ancêtre de tous les dyina. Pour te le prouver, je te prie de venir loger ici chez moi, ainsi que ton suivant que tu as laissé chez le marabout. D'ailleurs, pour t'éviter cette peine, je ferai en sorte que tu verras tout à l'heure arriver ton suivant, tes bagages et tous tes habits. Mais ceci n'étonne pas l'aventurier. Et en effet, quelques instants seulement après le jeune homme voit arriver son suivant, accompagné de porteurs inconnus. Un peu étonné, il demande au dyina qui sont ces porteurs. Le dyina ne veut pas répondre. Il se donne seulement la peine de loger le jeune homme dans une belle chambre. Le lendemain, le dyina se change en homme, et il montre au chercheur d'aventures un village où vivait un grand roi, qui avait une très belle fille. Cette fille avait été demandée en mariage par tous les fils de chefs, de rois, de riches. Mais la fille n'a voulu d'aucun. Sans rien en dire à personne de ce village, le dyina et son hôte s'y promènent ; en visitent tous les coins. Après quoi ils rentrent au logis du dyina, ef le dyina dit : - Maintenant, si tu le veux, déguise-toi, abandonne tous tes habits de roi, prends ce haillon, mets-le, pars où nous, sommes allés hier. Je te donne ces trois noix de kolas blanches, avec ça tu demanderas la main de la fille du roi. Je t'assure que la fille te refusera, mais que son père ne te renverra pas. Là, tu commenceras à être un peu surpris. Tout ce qu'on te recommandera, accepte-le. Si tu veux vraiment voir des choses étonnantes, aies beaucoup de patience.
Le jeune homme alors se déshabille, prend des sacs en guise de pantalon et de boubou. Avec ses trois noix de kola. Il va au village du roi, qu'il trouve avec cinq de ses suivants. Il les salue très poliment, s'asseoit fièrement et expose le but de son voyage.
Les suivants, indignés, ne font que rire, et ne transmettent même pas ces paroles au roi. S'adressant au voyageur, ils lui disent : - Toi avec ton haillon, tu oses demander la main de la fille du roi. Quelle folie te pousse à cela ? Retire-toi de là ou on te sacrifie, on te tue.
Aussitôt le roi prend la parole et dit à ses suivants :- Est-ce un homme ou une bête cet étranger ? Je le crois un homme comme vous. Comme vous il a des parents et peut-être même des parents plus grands que les vôtres. Je n'aime pas les gens indiscrets comme vous. D'ailleurs faites-moi appeler ma fille. Je la donne à ce jeune homme, que cela lui plaise ou non. Je ne demande l'avis d'aucun des insolents que vous êtes. Un roi tel que moi ne doit pas mal agir envers un homme tel que cet étranger.
Honteux, les suivants s'excusent, et vont loger l'étranger dans la case de la fille du roi. Mais celle-ci se montre plus indignée encore que les suivants, à la vue d'un fiancé aussi malpropre et aussi mal habillé, mais elle n'ose s'opposer à la parole de son père ; elle veut pourtant se venger sur son futur mari. Elle lui dit : - Tu seras bien traité. Tu oses te comparer à moi, puisque tu es mon futur mari, toi avec ton vêtement de chimpanzé.
Elle ne lui parle qu'avec insolence.
Le jeune homme ne répond pas. Le soir, sa future épouse lui présente un plat de son, et, au lieu d'eau, de l'urine de chèvre, après l'avoir logé dans la hutte des chèvres. Le jeune homme ne veut pas manger, mais n'en dit rien à la fille. Vers dix heures, il lui demande s'il peut entrer dans sa case. En réponse, elle lui donne quinze coups de cravache sur les fesses. Il retourne à son misérable logis. Vers minuit, il va chez le dyina, trouve son plat bien préparé, mange avec appétit, se couche sur un lit jusqu'au matin. De bonne heure, à cinq heures, il se lève, reprend ses vêtements de sac, et va s'accroupir, plié en deux, dans la hutte où sa future l'avait logé. Le matin il fait semblant d'avoir grand faim. En demandant de la nourriture à la fille il dit que le plat de son était insuffisant pour lui. La fille lui répond d'aller avant midi, chercher dix fagots de bois. Il y va, et revient très fatigué, les mains rouges de sang, car il n'avait pas l'habitude de travailler. Il trouve à nouveau son plat de son et l'urine de chèvre. Il fait semblant de manger son plat de son dans sa hutte, mais en réalité il a creusé un trou dans lequel il a vidé son et urine.
Ce qui étonne la fille, c'est que le jeune homme n'est pas maigre du tout, quoiqu'il soit mal traité et mal nourri. La fille avait une servante griotte, sorcière. Celle-ci, ayant vu, peut-être en rêve, que le jeune homme était noble, plus noble d'ailleurs que la jeune fille, conseillait toujours à sa maîtresse de bien entretenir cet homme qui serait jour son défenseur. Chaque fois qu'elle parlait ainsi à sa maîtresse, elle recevait une sévère punition, mais elle continuait toujours à la conseiller de cette manière. Sa maîtresse ne l'écoutait pas. Une nuit que le jeune homme était parti chez le dyina, il reçut de celui-ci les paroles suivantes :- Je vais te donner un fusil, un sabre et un cheval. A ton suivant je donnerai aussi un fusil, sabre et cheval. Ne va pas demain au village. Attends jusqu'à neuf heures. Va alors à l'est du village, là où se trouve une mare. Demain, la future-épouse ira laver son linge. Un fils de roi, avec tous ses camarades, viendra pour l'enlever. Au moment où ils s'en empareront, tu sortiras de ta cachette, tu les mettras en fuite, sur ton cheval tu ramèneras la fille à sa case, et tu reviendras ici. La fille ne te reconnaîtra pas, elle te remerciera énormément, et te suppliera de rester avec elle, d'être son fiancé. Il ne faut pas accepter. Ramène-là simplement et reviens. Après avoir mis en fuite les ennemis, en ramenant la fille chez elle, vous passerez sous un grand arbre : une branche de cet arbre passe au-dessus de la route, tu la couperas et la donneras à ton suivant, qui la laissera à la porte de la fille. Un jour, cela te servira de témoignage 1. Le jeune homme accepte. Le lendemain, après avoir déjeuné, il prend ses habits, serrés à la taille par une ceinture rouge que le dyina lui a donné, s'arme de son fusil et de son sabre, et monte sur un cheval blanc. Son suivant fait de même, mais il porte une ceinture bleue, et monte sur un cheval gris. Ils partent à la mare que le dyina leur a indiquée. Cachés sous un arbre, ils voient arriver la fille, suivie de toutes ses camarades. Le jeune homme paraissait absorbé dans ses pensées, son suivant lui demande ce qui le préoccupe, mais il ne veut rien lui dire. Quelque temps après ils voient arriver toute une troupe de cavaliers armés jusqu'aux dents, le fils d'un roi à leur tête. Derrière lui des griots chantent ses louanges, le vantent, et les guerriers, excités par les chants, jurent chacun d'être le premier à s'emparer de la fille du roi qu'ils viennent enlever. Un griot, le préféré du fils du roi, saisit le premier la fille, avec beaucoup de respect. Celle-ci se débat, l'insulte, jure de ne pas partir. Le fils du roi, voyant qu'elle n'était qu'avec des filles, donne l'ordre à ses gens de ne pas s'approcher. Lui-même et son griot prennent la fille et il la met auprès de lui. Au moment où ils veulent s'en aller, ils voient arriver derrière eux le chercheur d'aventures et son suivant. Une ardente lutte s'engage. Au bout de quelques instants, le fils du roi et ses compagnons sont obligés de fuir, laissant une trentaine de blessés.
Le chercheur d'aventures met la femme auprès de lui, il la ramène au village, sans oublier de couper la branche que lui a indiquée son maître. La fille, par tous les moyens, lui demande de rester, mais il n'accepte pas. A deux heures seulement, il rentre au logis du dyina, très content de ne pas être reconnu par la fille. Celle-ci va trouver son père et lui dit : - Je vous dois le plus grand respect, je n'ose pas m'opposer à vos ordres, mais vous m'avez donné en mariage au plus indigne des hommes. Aujourd'hui, grâce à deux jeunes hommes à qui je dois une reconnaissance infinie, j'ai échappé à la mort avec toutes mes camarades. Le mari que vous m'avez proposé n'y était pas, d'ailleurs, depuis ce matin, je ne l'ai vu. Je vous prie donc de nous séparer, et de faire des recherches pour retrouver ces deux jeunes gens. Je serai l'épouse de l'un d'eux .
Le père ne répond même pas, il ne fait que se moquer de sa fille et de sa lâcheté. La fille, désespérée, rentre chez elle.
Cette nuit là, elle ne dort pas. Le matin de bonne heure, elle voit sortir le jeune homme de sa hutte, avec ses vêtements habituels. Elle se précipite sur lui avec rage, le roule par terre et lui donne trente coups de chicote, en l'injuriant et en lui disant qu'elle ne serait pas son épouse, qu'hier des gens étaient venus pour l'enlever et que lui, vaurien, n'y était pas, et que c'est grâce à deux jeunes hommes auxquels elle doit toute sa reconnaissance qu'elle a été sauvée, ainsi que ses camarades. Elle l'oblige à aller chercher vingt fagots de bois le jour même.
Avant que le soleil se couche, le jeune homme a réuni ses vingt fagots, sans rien manger de la journée. Le soir, il reçoit encore son plat habituel, et son même logement. A minuit il arrive chez le dyina, mange bien, dort bien, jusqu'au lendemain matin. Ainsi vit il pendant six jours. Le septième, la fille devait aller se laver. La même histoire devait recommencer. Le jeune homme et son suivant, ce jour là, changent d'habits et de monture ; la fille a été emmenée jusqu'auprès du village du fils du roi lorsque le coureur d'aventures et son suivant l'enlèvent des mains de ses ennemis, après avoir mis ceux-ci en fuite. Cette fois, le dyina avait recommandé au jeune homme de se blesser légèrement à sa jambe. Comme il ramenait la fille, elle prit son mouchoir, en banda la plaie, de son sauveur, et supplia encore une fois le jeune homme de rester avec elle. Mais celui-ci n'accepte pas, rentre le soir au logis du dyina, se repose bien jusqu'au lendemain. Ce matin-là encore, il reçoit soixante coups de cravache, avec toutes sortes d'injures, sans nourriture le soir, et l'ordre de ramasser quarante fagots de bois.
La nuit, voulant se faire remarquer par la fille qui l'a si mal traité, il entre dans sa case, comme elle ronfle à côté de son amant. La lampe est allumée, il défait son pansement, prend de l'huile à côté de la lampe, en met sur sa plaie, puis, toujours avec le mouchoir de la fille, il panse sa plaie. La servante griotte, qui ne dormait pas reconnaît le mouchoir de sa maîtresse avec beaucoup d'inquiétude et de surprise. Sans mot dire,, elle laisse sortir le jeune homme, en se félicitant intérieurement des conseils qu'elle avait donnés à son sujet à sa maîtresse car, reconnaissant le mouchoir, elle avait vu que ses rêves disaient vrai. Quand le jeune homme est sorti, elle réveille sa maîtresse, en lui disant qu'elle a reconnu son mouchoir sur le jeune homme qui est dans la hutte des chèvres. Sa maîtresse ne la prend pas en considération et se rendort. Elle continue, pendant six jours encore, de mal traiter le jeune homme. Le septième, le fils de chef qui a tenté deux fois déjà de l'enlever fait une troisième tentative. Il réunit plus de jeunes gens qu'aux deux précédentes expéditions. Le chercheur d'aventures et son suivant ont, une fois encore ce jour-là, changé de costume. Ils se rencontrent au même lieu ; la bataille est plus acharnée, les deux compagnons tuent vingt-sept de leurs ennemis et en blessent trente. Ils ont, cette fois-là, de la peine à délivrer la jeune fille. Pour la seconde fois, le jeune homme est blessé. La fille lui donne un second mouchoir, qu'elle portait pour la première fois, et, ce jour-là, elle prend la peine de l'observer. Il n'était pas aussi déguisé que les jours précédents. Arrivés au village, le chercheur d'aventures et son suivant rentrent chez eux, passent une bonne nuit. Au matin, de bonne heure, le jeune homme revêt ses sacs et va terminer la nuit dans la hutte des chèvres. Cette fois-ci, il a emporté avec lui ses vêtements ordinaires : arrivé dans la hutte, il dépose ses sacs, s'habille normalement, entre à nouveau dans la case de la fille et détache ses pansements pour mettre de l'huile sur ses plaies. La fille du roi, réveillée par le bruit du battant de la porte, reconnaît ses deux mouchoirs et reconnaît aussi le jeune homme qu'elle a si mal traité. D'abord honteuse d'elle-même, elle vient s'agenouiller devant le jeune homme en sanglotant et en lui demandant pardon de ce qu'elle a fait. Le jeune homme pardonne vite. La jeune fille s'empresse de chasser son amant qui dormait, elle embrasse son fiancé, le caressant avec tendresse. Au matin elle réunit tous les vieux, pour aller devant son père attacher le mariage entre elle et son sauveur. Tout en demandant pardon au jeune homme, elle lui montre tant de tendresse, de douceur, qu'il est ému, lui, le chercheur d'aventures, malgré qu'il n'oublie pas les malheurs qu'il a supportés. La main de la fille lui fut accordée, et on donna à la fille, comme dot, un kilo d'or, cent têtes de bœufs, cent chèvres, cent moutons, cent serviteurs, cent servantes, dix chevaux. Le jour même, le mari voulut partir. Il fut accompagné par tous les habitants du village , la griotte accompagnait sa maîtresse. Le dyina reçut bien l'aventureux garçon, il le félicita de son courage et de sa patience. Trois jours après, le jeune homme devait quitter le dyina pour rentrer chez lui. Ils se quittent avec beaucoup de regrets ; le dyina implore l'indulgence du jeune homme de la part de la femme ; l'homme et la femme quittent le dyina. Ils marchent, trois jours et trois nuits ; tout ce temps la fille porte sur sa tête trois fagots de bois mais elle ne reçoit pas même d'urine de chèvre à boire, ni de son à manger elle ne reçoit rien, elle supplie, elle se plaint, elle pleure, mais elle ne reçoit pas de pardon. Chaque pardon demandé irrite la colère du jeune homme, et les coups de cravache pleuvent sur le corps de la femme. Arrivé à un fleuve, le jeune homme la jette dans l'eau : elle fut la proie d'un crocodile.
Le chercheur d'aventures met la femme auprès de lui, il la ramène au village, sans oublier de couper la branche que lui a indiquée son maître. La fille, par tous les moyens, lui demande de rester, mais il n'accepte pas. A deux heures seulement, il rentre au logis du dyina, très content de ne pas être reconnu par la fille. Celle-ci va trouver son père et lui dit : - Je vous dois le plus grand respect, je n'ose pas m'opposer à vos ordres, mais vous m'avez donné en mariage au plus indigne des hommes. Aujourd'hui, grâce à deux jeunes hommes à qui je dois une reconnaissance infinie, j'ai échappé à la mort avec toutes mes camarades. Le mari que vous m'avez proposé n'y était pas, d'ailleurs, depuis ce matin, je ne l'ai vu. Je vous prie donc de nous séparer, et de faire des recherches pour retrouver ces deux jeunes gens. Je serai l'épouse de l'un d'eux .
Le père ne répond même pas, il ne fait que se moquer de sa fille et de sa lâcheté. La fille, désespérer, rentre chez elle. Cette nuit là, elle ne dort pas. Le matin de bonne heure, elle voit sortir le jeune homme de sa hutte, avec ses vêtements habituels. Elle se précipite sur lui avec rage, le roule par terre et lui donne trente coups de chicote, en l'injuriant et en lui disant qu'elle ne serait pas son épouse, qu'hier des gens étaient venus pour l'enlever et que lui, vaurien, n'y était pas, et que c'est grâce à deux jeunes hommes auxquels elle doit toute sa reconnaissance qu'elle a été sauvée, ainsi que ses camarades. Elle l'oblige à aller chercher vingt fagots de bois le jour même. Avant que le soleil se couche, le jeune homme a réuni ses vingt fagots, sans rien manger de la journée. Le soir, il reçoit encore son plat habituel, et son même logement. A minuit il arrive chez le dyina, mange bien, dort bien, jusqu'au lendemain matin. Ainsi vit il pendant six jours. Le septième, la fille devait aller se laver. La même histoire devait recommencer. Le jeune homme et son suivant, ce jour là,
changent d'habits et de monture ; la fille a été emmenée jusqu'auprès du village du fils du roi lorsque le coureur d'aventures et son suivant l'enlèvent des mains de ses ennemis, après avoir mis ceux-ci en fuite.
Cette fois, le dyina avait recommandé au jeune homme de se blesser légèrement à sa jambe. Comme il ramenait la fille, elle prit son mouchoir, en banda la plaie, de son sauveur, et supplia encore une fois le jeune homme de rester avec elle. Mais celui-ci n'accepte pas, rentre le soir au logis du dyina, se repose bien jusqu'au lendemain. Ce matin-là encore, il reçoit soixante coups de cravache, avec toutes sortes d'injures, sans nourriture le soir, et l'ordre de ramasser quarante fagots de bois. La nuit, voulant se faire remarquer par la fille qui l'a si mal traité, il entre dans sa case, comme elle ronfle à côté de son amant. La lampe est allumée, il défait son pansement, prend de l'huile à côté de la lampe, en met sur sa plaie, puis, toujours avec le mouchoir de la fille, il panse sa plaie. La servante grioyte, qui ne dormait pas reconnaît le mouchoir de sa maîtresse avec beaucoup d'inquiétude et de surprise. Sans mot dire,, elle laisse sortir le jeune homme, en se félicitant intérieurement des conseils qu'elle avait donnés à son sujet à sa maîtresse car, reconnaissant le mouchoir, elle avait vu que ses rêves disaient vrai. Quand le jeune homme est sorti, elle réveille sa maîtresse, en lui disant qu'elle a reconnu son mouchoir sur le jeune homme qui est dans la hutte des chèvres. Sa maîtresse ne la prend pas en considération et se rendort. Elle continue, pendant six jours encore, de mal traiter le jeune homme. Le septième, le fils de chef qui a tenté deux fois déjà de l'enlever fait une troisième tentative. Il réunit plus de jeunes gens qu'aux deux précédentes expéditions. Le chercheur d'aventures et son suivant ont, une fois encore ce jour-là, changé de costume. Ils se rencontrent au même lieu ; la bataille est plus acharnée, les deux compagnons tuent vingt-sept de leurs ennemis et en blessent trente. Ils ont, cette fois-là, de la peine à délivrer la jeune fille. Pour la seconde fois, le jeune homme est blessé. La fille lui donne un second mouchoir, qu'elle portait pour la première fois, et, ce jour-là, elle prend la peine de l'observer. Il n'était pas aussi déguisé que les jours précédents. Arrivés au village, le chercheur d'aventures et son suivant rentrent chez eux, passent une bonne nuit. Au matin, de bonne heure, le jeune homme revêt ses sacs et va terminer la nuit dans la hutte des chèvres. Cette fois-ci, il a emporté avec lui ses vêtements ordinaires : arrivé dans la hutte, il dépose ses sacs, s'habille normalement, entre à nouveau dans la case de la fille et détache ses pansements pour mettre de l'huile sur ses plaies. La fille du roi, réveillée par le bruit du battant de la porte, reconnaît ses deux mouchoirs et reconnaît aussi le jeune homme qu'elle a si mal traité. D'abord honteuse d'elle-même, elle vient s'agenouiller devant le jeune homme en sanglotant et en lui demandant pardon de ce qu'elle a fait. Le jeune homme pardonne vite. La jeune fille s'empresse de chasser son amant qui dormait, elle embrasse son fiancé, le caressant avec tendresse. Au matin elle réunit tous les vieux, pour aller devant son père attacher le mariage entre elle et son sauveur. Tout en demandant pardon au jeune homme, elle lui montre tant de tendresse, de douceur, qu'il est ému, lui, le chercheur d'aventures, malgré qu'il n'oublie pas les malheurs qu'il a supportés. La main de la fille lui fut accordée, et on donna à la fille, comme dot, un kilo d'or, cent têtes de bœufs, cent chèvres, cent moutons, cent serviteurs, cent servantes, dix chevaux. Le jour même, le mari voulut partir. Il fut accompagné par tous les habitants du village , la griotte accompagnait sa maîtresse. Le dyina reçut bien l'aventureux garçon, il le félicita de son courage et de sa patience. Trois jours après, le jeune homme devait quitter le dyina pour rentrer chez lui. Ils se quittent avec beaucoup de regrets ; le dyina implore l'indulgence du jeune homme de la part de la femme ; l'homme et la femme quittent le dyina. Ils marchent, trois jours et trois nuits ; tout ce temps la fille porte sur sa tête trois fagots de bois mais elle ne reçoit pas même d'urine de chèvre à boire, ni de son à manger elle ne reçoit rien, elle supplie, elle se plaint, elle pleure, mais elle ne reçoit pas de pardon. Chaque pardon demandé irrite la colère du jeune homme, et les coups de cravache pleuvent sur le corps de la femme. Arrivé à un fleuve, le jeune homme la jette dans l'eau : elle fut la proie d'un crocodile.